H10 – Produits doxiques en héritage

Dans « Les Héritiers », un bouquin aussi vieux que moi, Bourdieu et Passeron opposaient les héritiers justement aux déshérités. Le second terme nous parait un peu abusif: fils à papa ou pas, on hérite. Ou on se déshérite soi-même. Enfin.. on tâche!

La propriété mise à nu (10ème partie) H10

Hériter à la veille de la retraite, c’est un peu ballot! Même si on meurt de plus en plus vieux  chez les héritiers. Mais est-on bien sûr qu’on n’hérite pas dès sa naissance et même avant? Y en a même qui prennent cher sans rien toucher à ce qui se dit. Alors au lieu d’hériter d’une dette plombante, ne serait-il pas plus judicieux de refuser ce cadeau toxique? Vous n’avez pas très bien compris? Alors allons-y…

Capital culturel

L’humain se constitue un patrimoine immatériel qu’il hérite en grande partie de son milieu social et comme il y baigne depuis sa plus tendre enfance, il s’en imprègne comme une éponge, la plupart du temps sans même s’en rendre compte.

À côté du patrimoine en dur (ou en argent) et d’un portefeuille de relations (le réseau) chacun reçoit un viatique, passeport ou boulet, qui l‘accompagne toute sa vie. Pierre Bourdieu parlait d’un capital culturel comme d’un ensemble des ressources culturelles (savoirs, savoir-faire, compétences linguistiques, maitrise des codes sociaux) détenues par un individu et qu’il peut mobiliser, c’est-à-dire mettre en mouvement dans son quotidien. 

C’est pourtant pas le genre du sociologue de la distinction mais je le trouve plutôt optimiste sur ce coup-là: capital, c’est assez positif, non? Le mot n’est peut-être pas très bien choisi ou alors trop bien connoté. 

Chacun hérite en fait d’une histoire dont il est aussi le fruit: il nait au coeur de multiples déterminismes sociaux qui le modèlent autant qu’il peut en disposer. Un Saint-Claudien par exemple parlera français avec un accent jurassien qui ne trompe personne. Il cherchera peut-être à s’en défaire s’il s’expatrie mais cette façon de prononcer restera rivée à sa langue tout comme les « y » intempestifs et agrammaticaux. 

On pourrait multiplier à loisir les exemples d’empreintes familiales, sociales, géographiques ou historiques. Cet héritage culturel en continu s’intègre à la #Personne qui du coup est en perpétuelle mutation, pour l’essentiel à son insu.

Cet héritage est d’autant plus incontrôlé qu’il est implicite. Sa transmission s’opère en diffusion lente mais profonde. Elle concerne les valeurs, les codes, les manières, la langue, le savoir, bref la culture au sens large du terme. Su ce plan, l’individu n’a donc rien d’individuel: il s’imprègne de son milieu. C’est ce que nous appelons la doxa, l’idéologie, le style ou les conventions. 

Même sans souci de prosélytisme, tout système social tend à se consolider, à se pérenniser et, s’il le peut, à s’étendre. Cela se vérifie au niveau de la famille comme à celui d’une civilisation. Le soft power américain et ses valeurs bourgeoises, consuméristes et atlantistes s’encrent encore plus profondément en nous qu’un tatouage cortical.

Ce patrimoine culturel est un atout s’il est idéologiquement raccord avec le modèle dominant: le bourgeois cosmopolite s’épanouit dans la globalisation actuelle. En revanche, c’est un boulet s’il provient d’une minorité dominée: on sourit doucement de l’accent prolo de François Ruffin et on lui fait la leçon sur la manière de se rembrailler.

Le patrimoine culturel peut toutefois devenir une arme de défense active, voire d’émancipation, s’il est assumé et revendiqué. Tout le monde connait l’exemple de la culture afro-américaine et les phénomènes de contre-culture abondent.

Ces sphères culturelles plus ou moins étendues et solides sont perpétuellement en conflit les unes avec les autres. La tentation expansive (voire dominatrice et à terme hégémonique) d’un système culturel est spontanée. 

En effet, je ne pars normalement pas du principe que mes habitudes sont mauvaises et que mes enfants, mes amis, mes collègues, mes employés ou mes concitoyens doivent en adopter d’autres, sauf si moi-même je cherche à échapper à l’atavisme familial parce que j’en souffre et que j’adopte les habitudes d’un autre groupe que la classe à laquelle ma famille appartient. Le conflit est ainsi inhérent à la personne: au coeur même de l’être, le jeu des influences est perpétuel et contre toute attente, il peut être salvateur. 

Je peux en effet sortir d’un milieu social oppressant par le biais de l’emprise d’un gourou sectaire pour ensuite être sauvé par l’intervention de ma famille et de l’État qui me réinsèrent alors dans la société avec laquelle je peux néanmoins rester en conflit jusqu’à ce que je m’engage dans un parti politique qui cherche à changer les institutions et par là même les conditions dans lesquelles j’ai été élevé et qui m’ont conduit à suivre ce cheminement cahotique. On appelle ça, l’Histoire.

L’individu traverse des champs de forces, des sphères d’influence et des conditionnements multiples qu’il peut faire jouer les uns contre les autres. Il ne décide pas seul de sa culture même s’il en a l’illusion mais il a la capacité de les mettre en conflit: le moi singulier est lui-même un terrain de conflit d’appartenance et de pouvoir. La lutte des classes fonctionne à tous les étages de la Personne: du péquin lambda à la société des nations.

Culture contre culture et recyclage

La culture dominante, qu’on le veuille ou non, est notre héritage commun. L’éducation, l’école, les mass média, toutes les institutions oeuvrent à la reproduction du modèle social en place et nous en héritons tous à notre insu. 

En dehors de quelques sauvages avant-gardistes dans les ZAD, qui songerait à remettre la propriété privée en doute? Le temps où les ordres monastiques médiévaux s’écharpaient à ce sujet (le Christ possédait-il ses propres vêtements?) est bien loin. Les milliardaires sont montrés comme des exemples de réussite malgré leur pathologie exponentielle. L’accroissement de la propriété privée matérielle est la norme dominante et d’autant plus souhaitable que la croissance des richesses semble se poursuivre: selon la logique éco-libérale, le gâteau grossissant, notamment grâce aux bulles virtuelles, les parts ne peuvent que s’accroitre. Or, cette vision des choses est biaisée. Elle domine pourtant tout le monde occidental et cet héritage idéologique est d’une rare puissance dans l’histoire du monde. Il modèle aujourd’hui la conception des choses de la plupart des êtres humains.

« On n’a pas besoin d’attendre leur mort pour déshériter ses parents. »

On peut toutefois refuser ce patrimoine culturel et changer de paradigme. Encore faut-il avoir conscience de son caractère contingent! Si les libéraux actuels nous serinent qu’il n’y a pas d’alternative (le trop fameux TINA de Thatcher), c’est bien parce qu’ils veulent que les États continuent à rembourser les dettes contractées auprès de bailleurs privés. Ils ne veulent surtout pas que les jeunes citoyens qui débarquent dans l’agora refusent cet héritage négatif comme ils sont pourtant en droit de le faire. 

Les Allemands ont suspendu le remboursement des dommages de guerre en 1953. Les héritiers du peuple qui a soutenu les Nazis (pour rester soft) n’ont pas eu à régler complètement l’ardoise. On se demande pourquoi les Grecs et la plupart des Européens se retrouvent à saigner leur services publics et à brader leur patrimoine au profit de ceux-là mêmes qui n’ont pas honoré leurs traites après l’apocalypse de 1945.

Refermons la parenthèse et regardons du côté de la Renaissance: ce mouvement qui nait en Italie s’appuie sur l’antiquité pour sortir du moyen-âge qualifié d’âge sombre. Contre la puissance de l’église, l’humanisme va brandir l’aura de la pensée grecque et romaine. Sur le plan économique, la lutte entre l’ancien système féodal et la classe émergeante des marchands (les bourgeois) est particulièrement âpre dès le XIIIème siècle. Les modèles s’affrontent et pour lutter contre la tradition, les modernistes ont recours à un héritage plus ancien qu’ils adaptent. 

En 1955, quand Elvis Presley commence à avoir un peu de succès, les stations de radio dédiées à la country blanche refusent de passer ses chansons parce qu’il chante comme un black, tandis que celles dédiées au rhythm and blues le rejettent parce qu’il chante de la musique de ploucs. Elvis est en fait une sorte de shaker où se retrouve tout ce qui se joue autour de Memphis à l’époque. Et quand on sait que John Lennon a déclaré que sans Elvis, les Beatles n’auraient pas existé, on finit par se demander: qu’est-ce qui appartient vraiment à qui? C’est pourtant leur personnalité exception, modelée par des enfances difficiles, qui ont fait que ces deux musiciens ont eu une telle influence. Et que dire de Michael Jackson qui alla jusqu’à épouser la fille du King et à acheter sa maison, sans oublier les droits sur les chansons des Beatles.

Du rock, du rock, du rock

Dans les années 70, la vague punk refuse le maniérisme technique du rock progressif dont les Beatles avaient été les pionniers pour revenir aux fondamentaux du rock notamment à coups de massacres parodiques des grands standards avant d’engendrer la new wave et les multiples cycles qui aboutissent aujourd’hui à un électro-rock psyché.

Les musiques actuelles sont un microcosme où se déroule en accéléré, à cause de la soif de nouveauté entretenu par le showbiz, le processus général de la propriété et de l’appartenance. Le système capitaliste cherche à y récupérer tout ce qui peut lui échapper quitte à sacrifier la poule aux oeufs d’or: Brian Jones, Jimmy Hendrix, Kurt Cobain, Amy Whinehouse… ou plus généralement à désamorcer (rendre commerciales) les bombes sociales potentielles. 

La conquête s’exerce aussi en informatique, sur le web, sur le bio ou du côté de l’énergie, bref sur tous les courants alternatifs (voir comment Edison a tenté d’écraser Tesla) susceptibles d’inquiéter la suprématie du dominant hégémonique.  

Dans sa fuite en avant, la croissance doit se nourrir de la nouveauté qui nait dans les esprits pas totalement formatés et qui sont les seuls capables d’innover, parfois justement en s’inspirant de ce qui s’est déjà fait.

En économie, c’est en se tournant vers l’anthropologie et la lecture de Mauss et en refusant l’héritage de l’école classique (Smith, Ricardo, Say) que Karl Polanyi va remettre en doute le dogme largement répandu au début du XXème siècle de l’universalité intemporelle du marché et de l’Homo œconomicus. Il renonce donc partiellement au legs ambiant et presqu’obligatoire pour un emprunt plus exotique. Il prend chez le grand-oncle ce dont il ne veut plus chez le père (prévoir une option tante et mère pour nos ami-e-s du commerce équitable).

Quand l’atavisme est une entrave

On est ainsi de plus en plus nombreux (quoique très minoritaires) à refuser l’héritage culturel des classes dominantes. J’entends déjà les vieilles scies qui hurlent  à la barbarie, au massacre des chef-d’oeuvres en péril, à la négation du patrimoine, à la cuistrerie populaire.

Tout d’abord, permettez-moi de vous dire que la barbarie culturelle a déjà pignon sur rue et que les classes dominantes sont bien contentes de la livrer en pâture aux masses pour qu’elles se tiennent tranquilles et surtout qu’elles aillent dépenser leur argent afin d’alimenter les caisses des sus-dites: jeux olympiques, téléthon, coupes du monde, concours de beauté, blockbusters, salons du vin, foires à la gastronomie, fêtes de la bière, compétitions de chant, best-sellers, festivals de rue et de musique, discothèques, feux d’artifice, pornos, séries policières, sketches comiques, information sensationnaliste, presse people, faits divers, dictature de l’actu chaude et du buzz. Sur tout cela, la bourgeoisie fait son beurre et ses choux-gras. D’un côté, la diversion pour faire oublier les inégalités et l’exploitation au grand public. De l’autre, le modèle consumériste à suivre. Les têtes se vident autant que les caisses se remplissent. On vole des vies entières à travers ce temps dépensé à des activités de faible enjeu. Nous traiterons dans un autre chapitre ces questions de temps et de vie privée.

De l’autre côté, la bourgeoisie se réserve la crème de la culture qu’elle fait subventionner par les fonds publics: opéra, musée, FRAC, performance, exposition, théâtre, ballet, concert classique, avance sur recette, émission culturelle, documentaire intello, conférences, tous les lieux où perdure une culture de l’entre-soi et où on s’emmerde sans le dire. Un pré carré où on s’amuse gentiment, où on s’effarouche sans dommages et où on cultive sa conscience de classe.

Et dès que quelque chose d’alternatif et d’intéressant pointe le bout de son nez, le système ne tarde pas à mettre le grappin dessus pour le désamorcer et en faire de la consommation et du fric. Le surréalisme, le blues, le bio, le développement durable, le rock, la soul, le rap, le hip hop, le street look, le street art… via le musée, le supermarché, la télévision ou l’école, l’institution bourgeoise désarme la contestation en l’intégrant à la culture générale. L’effet est double: ça amuse la galerie tout en édulcorant la subversion. Et on tire tout ça vers le bas, le standard et l’uniforme.

J’ai rencontré récemment un plasticien qui fait des interventions artistiques en lycée sous l’égide financière de la Région. La cause est noble puisqu’il ouvre les yeux des jeunes sur leurs propres pratiques dans l’espace urbain. Grâce aux paper tigers décollables, on imite les tags et on ne dégrade pas les murs du lycée. On décore le cadre éducatif pour mieux le légitimer. Mais quand je lui ai suggéré que les situationnistes aurait parlé de récupération à son sujet, il a pris la mouche en s’esclaffant et en renvoyant Debord à son alcoolisme suicidaire. Et il est reparti triomphant avec ses bottines de kéké et sa coupe de hipster pour finir son bilan artistique sur power-point avant de remettre à chacun une brochure reliée de toutes ces jolies activités dont, à ce que j’ai pu voir, les ados n’avaient pas grand chose à foutre.

Avec ce genre de rigolos, l’institution se donne bonne conscience envers la jeunesse qu’elle brime. Je te donne le droit de chuchoter, ensuite tu la fermes pour de bon! Mais revenons-en au fait…

Qui paie ses dettes s’enrichit?

Si sa récupération par le pouvoir en place l‘abâtardit et la dévitalise, une culture populaire meurt également d’avoir à honorer continuellement ses aïeux. Au mieux, elle végète sur un mode folklorique mais aussi festif: ça vaut aussi bien pour les Tribute to U2 et Pink Floyd que pour le théâtre de boulevard ou les bals folk. En littérature et au cinéma, ça donne Harry Potter et Le Seigneur des Anneaux qui recyclent à merveille un patrimoine commun et font fructifier l’imaginaire populaire.

Tout cela est bien fait et amusant mais sans risque et inoffensif. Tout cela est fait pour avoir du succès comme un discours populiste est là pour recueillir les suffrages et revenir vers un âge d’or. Tout cela est fait pour que rien ne bouge. Des contes de fées (même si Tolkien a participé à sa manière à la contre-culture des années 70), des reprises, des comédies à la papa, de la morphine sur le dentier de grand-maman, un zeste d’évasion sur une absence d’alternative.

La jeunesse grecque étouffe d’avoir à rembourser les créances de ses ainés alors que la dette publique est en grande partie illégitime. Ce sont les institutions internationales qui en bénéficient après avoir pousser la Grèce vers le gouffre financier. Le respect des lois ne vaut que si on les estime légitimes. Si le tribut à payer est injustifié, le contraint peut lever le contrat surtout s’il a été signé par la génération précédente.

L’élève a 10 ans, entre 6 et 16 ans, pour acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture tel qu’il est défini dans le bulletin officiel du 23 avril 2015.

Bon, là c’est le gouvernement précédent mais ça vaut son pesant de cacahuètes en langue de bois

Extraits:

Par la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République du 8 juillet 2013, la République s’engage afin de permettre à tous les élèves d’acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, porteur de la culture commune.

L’élève connaît les principes de base de l’algorithmique et de la conception des programmes informatiques. Il les met en œuvre pour créer des applications simples.

L’élève vérifie la validité d’une information et distingue ce qui est objectif et ce qui est subjectif.

Il connaît les principales règles du fonctionnement institutionnel de l’Union européenne et les grands objectifs du projet européen.

Il s’approprie, de façon directe ou indirecte, notamment dans le cadre de sorties scolaires culturelles, des œuvres littéraires et artistiques appartenant au patrimoine national et mondial comme à la création contemporaine.

Le voeu est pieu, l’intention louable, l’entreprise encyclopédique, l’ambition pharaonique, le mensonge d’état. Il y a de l’honnête surhomme dans le super-citoyen qu’on cherche à façonner. On espère pour lui que la plupart des acquis vont se faire à son insu car la liste des compétences et des connaissances est tellement longue qu’elle risquerait bien de ne laisser aucune place pour sa culture plus personnelle si par hasard, il venait à l’idée de notre petit républicain en herbe d’ingurgiter l’intégralité de ce qu’on lui sert à manger.

Et voilà notre ado face à une montagne de données alors qu’il n’a rien demandé à personne: et on se demande après pourquoi il écoute du rap au skate parc au lieu de faire ses devoirs à la bibliothèque.

Le jeune hérite de valeurs républicaines qu’ils voient bafouer tous les jours. On cherche à le gaver sans même le motiver par la maigre perspective d’un espoir. Le seul que ça pourrait motiver finalement, c’est le fils à papa car c’est justement son père qui a fait le programme. Lectures choisies, décodex, codage, textes institutionnels… pas sûr que l’oie s’en sorte sinon en marche forcée au pas de… l’oie. 

Ensuite, fort de ce bagage acquis à la force de la mémoire, le + de 16 ans pourra enfin exercer son esprit critique. Cela aurait été intéressant que le Bulletin Officiel le définisse. Risquons-nous car à ce stade, y a sans doute plus personne devant l’écran:

étude des conditions d’émergence des connaissances et des conséquences des hypothèses avancées

Une telle définition laisse à penser que le jeune pourrait refuser l’héritage après l’avoir subi. Il pourrait rejeter la culture commune qu’on lui propose adopter pour faire sa place dans une société qui fonce droit dans le mur. Il faut savoir refuser un héritage lorsqu’il est doxique comme il faut savoir dire non à l’usufruit de sa maison natale lorsqu’elle est pleine d’amiante. Les poussières ne se voient pas mais elles empoisonnent la vie, tuent à petit feu et rendent stérile.

Tout le reste est littérature! A la revoyure!

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