P67 – Comptes rendus de la perversion ordinaire

Quand passe-t-on du narcissisme à l’exhibition? De la curiosité à la voyure? La presse people, les réseaux sociaux et la télé-réalité offrent à l’humain contemporain un nombre croissant d’opportunités d’exister au-delà de sa propre peau et de se répandre sur la toile virtuelle et dans l’univers des autres. Intrusion ou invasion, ces opportunités sont autant de pièges à narcisse.

Les troubles de la Personne : le voyeurisme et l’exhibitionnisme P67

Existe-t-il une seule photo de Kim Kardashian qui n’ait pas été publiée?

La question de la limite santé/pathologie est une affaire normative des plus délicates, surtout quand vous connaissez personnellement les cas que vous évoquez et que ces personnes sont susceptibles de vous lire et de s’offenser. Je te sens soudain fébrile, ami lecteur, à l’idée de peut-être figurer au palmarès. Aussi ai-je décidé, pour t’épargner, de fabriquer des cas à partir d’observations elles-mêmes bien réelles. C’est d’une déontologie carrément douteuse mais reconnaissez que j’aurais pu vous passer le stratagème sous silence. L’avantage de cette manipulation annoncée, c’est que vous y placerez sans doute quelqu’un de votre connaissance, peut-être un peu de vous-même, comme je m’y retrouve en partie.

Je l’ai déjà évoquée, la question pathologique est une affaire de norme sociale. Dans une société spectaculaire comme la nôtre, cette frontière est repoussée assez loin pour ce qui concerne l’exhibitionnisme, et on n’a jusqu’à maintenant pas enfermé Kim Kardashian (ci-contre) ou Adam Levine (notre document iconographique ci-dessus). Quant au voyeurisme, toute une presse en fait son fond de commerce avec quelques accrocs judiciaires de temps à autre qui ne remettent pas en question la tendance générale. Ce ne sont donc pas des cas cliniques que je vous propose mais des portraits librement inspirés d’observations.

M’as-tu-vu?

Des nouvelles de Mimi la marchande?

Aimé, 55 ans, est un homme politique cultivé de tradition libérale. Il exerce justement dans le domaine de la culture et du spectacle et son ministère lui donne l’occasion de rencontrer beaucoup de monde. Il sait l’importance de la communication et de l’image en politique et il soigne la sienne, politicien plus tout jeune mais dans le coup, homme de goût aux opinions éclairées. Il utilise très habilement Facebook mais oeuvre également sur Twitter où il se contente de partager des publications. Statistiquement, il n’apparait pas en photographie de manière outrancière (49 fois tout de même sur ses 100 dernières publications) mais on peut s’interroger sur la nécessité de se mettre en scène aussi systématiquement. 

En effet, la présence d’Aimé sur les photos n’apporte rien sinon le fait d’attester qu’il est bien là comme si son récit ne suffisait pas : son image ajoute en quelque sorte de la propriété à son propos comme un sceau personnel. C’est à se demander si le propos n’est finalement pas qu’un simple prétexte. En politique, on sait que l’occupation du terrain géographique ou médiatique est essentielle. Aimé, met-il sciemment ce précepte en pratique? Les photos sont toujours accompagnées d’un petit texte plutôt bien tourné qui témoigne souvent de son action. Aimé cherche-t-il à montrer qu’il travaille même quand il se divertit, ce qui est assez fréquent dans les milieux culturels où on allie spontanément le nécessaire à l’agréable? Aimé ne s’affiche pas à proprement parler puisque l’essentiel de sa vie privée reste discret et il faut le connaitre pour lire en filigrane les éléments qui la concernent. Espace privé et vie publique sont pourtant intriqués dans sa communication puisque boire un verre en festival participe des deux dans son cas. Il reste cependant discret sur sa vie intime dont presque rien ne perle.

Exposer son amour dans les tabloïdes relève-t-il de la psychiatrie?

L’avènement des réseaux sociaux a allègrement pris le relais des magazines people pour les hommes politiques même si, il faut bien le reconnaitre, leur sphère privée intéresse moins que celle des vedettes de la télé-réalité ou du spectacle. Mais l’image en matière de propagande politique a pris une place très importante d’autant que le pouvoir en Vème république est une affaire très personnelle. Il n’y a qu’à observer les panneaux électoraux pour s’apercevoir que la tête du client a toute son importance dans l’élection. Par conséquent, se montrer sur les réseaux sociaux lorsqu’on est un homme ou une femme politique tombe sous le sens. C’est en tous cas ce que pense Aimé et il en a parlé avec des amis communicants qui partagent son opinion : quand on est un personnage public, il faut savoir se montrer à son avantage et maitriser son image tant par les choix vestimentaires que par la diffusion des clichés. 

Cependant le narcissisme d’Aimé sort de l’ordinaire des officiels par la fréquence de ses apparitions et le caractère un peu m’as-tu-vu de ses tenues de loisirs. Il gère cependant lui-même son image de petite personnalité politique de région comme Emmanuel Macron la fait gérer par des experts. Aimé reste toutefois très pudique. On ne le voit jamais torse nu par exemple, encore moins en maillot, ce qui n’est pas le cas de Delphine, 26 ans, agent immobilier. Cette dernière jouit d’un physique attrayant qu’elle n’hésite pas à exhiber en maillot ou dans différentes tenues souvent sexy sur Facebook mais également sur Instagram et Tiktok. Tout est sujet à publication à partir du moment où Delphine y participe. Un achat de vêtement, du shopping avec une amie, un rendez-vous chez le coiffeur, un apéro avec des copains, une soirée dansante, des vacances en famille, une session culinaire, une séance de pilate, un dîner au restaurant, une visite à la salle de sport, un pot en terrasse, l’injection de sa deuxième dose, un nouveau petit ami, bref chaque évènement de sa vie est l’occasion pour Delphine de réaliser un selfie avec ou sans masque. 

La réponse aux trois questions précédentes est NON!

Elle n’a pas la prétention d’être une influenceuse mais ses 1274 amis sur Facebook et ses nombreux followers lui montent un peu à la tête. Si le texte des publications est souvent réduit à l’essentiel, elle s’adresse souvent à certaines de ses connaissances dans son commentaire ou remercie son « public ». Chacun de ses posts dépasse généralement la cinquantaine de like et les témoignages de sympathie sont nombreux. Les épisodes en tenue légère recueillent de nombreux compliments aussi bien masculins que féminins et Delphine les lit comme en témoignent les coeurs qu’elle y accroche. Contrairement à Aimé, Delphine n’utilise pas les réseaux sociaux dans un but professionnel. Elle y passe cependant beaucoup de temps car non seulement elle alimente ses comptes mais en plus elle parcourt très régulièrement son fil d’actualité, like les posts de ses amis et commente volontiers leurs publications. Delphine est en outre très au fait de l’actualité intime d’un certain nombre de people internationaux, de leurs déboires sentimentaux, de leurs frasques sexuelles ou de leurs problèmes psychologiques qui viennent entretenir les conversations entre copines.

Une mésaventure a toutefois failli mettre un terme à la petite notoriété en ligne de Delphine. Trois de ses photos les plus sexy ont été copiées et détournées par un pirate qui s’en est ensuite servi sur un faux profil comme appât pour un site de rencontres à caractère pornographique. Delphine a alors fait disparaitre toutes les photos qui auraient pu être utilisées à des fins commerciales et sexuelles. Mais sa vigilance n’a duré que quelques semaines et elle a par la suite recommencé à publier des photos d’elle dans des tenues qui mettaient son physique en valeur. 

Zoom zoom zoom

Avec la gracieuse autorisation de Norbert

Ce retour des décolletés échancrés et des robes moulantes faisant parfois apparaitre les strings en filigrane a rassuré Norbert, 42 ans, développeur numérique et ami virtuel de Delphine, qui surfe abondamment sur le net en quête d’instants volés. Il se défend d’être un pornographe ordinaire et, de fait, ne circule pas sur les sites pornos « qui montrent tout ». Non, ce qui l’attire, c’est l’intimité des femmes, toutes les images où ce qu’il n’est pas autorisé à voir se montre d’une manière parfois extrêmement subtile que lui seul peut déceler. Ce n’est pas tant les filles en maillot ou même sans qui l’émoustillent que les dépassements involontaires de chair, de poils ou de sous-vêtements. Mais ce qui l’attire le plus, ce sont ces moments où le modèle non consentant est surpris à commettre un geste « mal séant » à son insu comme un grattage incongru ou une position inconvenante. Ça tient de la chasse aux papillons de nuit tant l’oeil doit être affûté pour ne pas manquer l’objectif.

En parlant d’objectif, Norbert est lui-même photographe à ses heures ou plus exactement « snipper » comme il se définit lui-même. Lorsqu’il a découvert un « spot » aussi stratégique que discret, il installe sur son trépied son réflex dernier cri dont le téléobjectif lui permet d’opérer des gros plans à l’intérieur des appartements. Ce voyeurisme occupe l’essentiel de ses loisirs de célibataire mais cette chasse est rarement fructueuse: les clichés vraiment intrusifs ne sont pas légions et Norbert est plus excité par la chasse elle-même que par le résultat. Il sait que le smartphone serait un instrument plus performant pour ces clichés volés mais sa timidité l’empêche de tenter l’expérience et il préfère s’en tenir à sa technique qui, si elle provoque chez lui des érections, ne lui permet généralement pas d’accéder à l’orgasme. Au retour de ces longues séances de traque qu’il passe sur des toits et des terrasses accessibles à des moments clefs de la journée (tôt le matin et à la nuit tombée), il a alors recours à sa pinacothèque personnelle riche de plusieurs milliers de clichés pour arriver à ses fins onaniques.

Avec la gracieuse autorisation de Norbert

A 32 ans, Norbert est toujours vierge. Il n’a jamais eu recours aux services d’une prostituée et la prostitution ne l’attire pas. « Je me vois plutôt comme un chasseur, vous savez, comme au début de Voyage au Bout de l’Enfer, le personnage interprété par Robert de Niro surprend sa proie mais lui laisse la vie sauve. Quand je réussis une bonne photo, j’ai ce même sentiment de bien-être, d’avoir obtenu ce que je suis venu chercher. » Dans la vie quotidienne, il reste aux aguets de ces « petits dérapages » qui nourrissent ses fantasmes dont Delphine fait justement partie.

Si Norbert n’a jamais eu de démêlés avec la police, Yann a déjà fait l’objet de poursuites judiciaires. Cet Antibois de 51 ans arpente les plages de la Côte d’Azur pour « mater » ostensiblement le corps des femmes seules à côté desquelles il s’installe. Son manque de discrétion et ses érections à peine dissimulées derrière un poncho en éponge lui ont valu trois condamnations assez légères assorties d’une obligation de soins. Il s’est vu interdire l’accès à de nombreuses plages du département mais c’est plus fort que lui: derrière ses lunettes de soleil ou par le trou qu’il a pratiqué dans un magazine de cuisine qu’il fait semblant de lire, il ne peut s’empêcher de dévorer des yeux les formes de ses voisines en bikini. Certaines l’ont signalé aux policiers et facilement repérable à cause de sa tenue insolite, il a reçu plusieurs rappels à la loi. Dans les cas de plaintes pour exhibitionnisme, il a même été traduit devant un juge sans que ce dernier ne prononce de peine de prison. Les sanctions financières n’ont eu que peu d’effets sur Yann qui récidive dès la saison estivale suivante.

Frimeur en roue libre

Monsieur R (à droite) en compagnie de Guy Lux, l’animateur des émissions à vachettes landaises.

L’hiver, il fréquente la piscine municipale où on n’a jamais signalé aucun comportement déplacé de sa part. C’est également le cas de Monsieur R. que les vacanciers de Gruissan ont pu rencontrer dans les rues de ce grand village de vacances, situé non loin de Narbonne. Élégamment habillé de blanc, Monsieur R. circule sur un monocycle électrique de même couleur après 20 heures, au moment où un grand nombre de touristes déambulent sur le territoire de la station balnéaire. Monsieur R. peut donner l’impression d’être à la recherche de quelqu’un qu’il ne trouve jamais puisque sa soirée est occupée à circuler à petite vitesse dans des espaces à forte densité humaine. Monsieur R. ne cherche donc personne, pas plus qu’il ne cherche la relation avec qui que ce soit : il se montre. Voilà tout. Comme un dandy sur Carnaby Street ou BHL à Saint-Germain-des-Prés. Il suscite le regard et la perplexité puisque personne ne sait exactement pourquoi il circule ainsi pendant toute la soirée.

Zeppo dans la figure dite du « déhanché Maccione »

S’il y a un côté lunaire et énigmatique chez Monsieur R., c’est le comique qui semble l’emporter chez Zeppo, non pas parce qu’il cherche à faire rire mais parce que les rires qu’il provoque, il les interprète comme des encouragements et des marques d’admiration. Zeppo opère sur la plage des Figueretes à Ibiza entre mai et octobre, 7 jours sur 7, de 9h00 à midi environ. C’est un ancien professeur de sport et il a toujours fière allure dans son mini-maillot de bain qu’il rajuste très souvent sur ses marques de bronzage bien nettes. Entre deux douches, il s’enduit le corps d’huile bronzante, fait quelques brefs exercices physiques très succincts sur des agrès improvisés, trottine aussi brièvement sur la grève, simule des départs de 100 mètres, multiplie les étirements pour finalement s’allumer une cigarette qu’il savoure ostensiblement en marchant à pas lents sur le sable mouillé avec une légère tendance au catwalk. Zeppo sourit aimablement à qui le regarde et ne se formalise nullement des fous rires que peuvent provoquer ses simagrées de frimeur invétéré. Il n’entame jamais la conversation avec qui que ce soit même s’il salue à la ronde et même les vieilles habituées de la plage ne savent rien de lui. Il ne cherche à être qu’une apparence mobile, un corps en mouvement, une musculature en action. 

Chapeau!

A peine plus discrète, Alexandra n’a pourtant jamais croisé Zeppo sur cette même plage qu’elle fréquente pourtant quotidiennement en juillet et août. Il faut dire qu’ils n’ont pas les mêmes horaires. Alexandra ne vient étendre sa natte et sa serviette que vers 17h00, au moment où il est presque difficile de se frayer un passage jusqu’à l’eau. Elle ne déteste pas cette affluence et lorsqu’elle marche jusqu’à la mer, elle aime que les regards se posent sur elle. La peau cuivrée et satinée, les seins nus légèrement bombés, elle se déhanche généreusement en traversant la plage en tongues pour ne pas se brûler la plante des pieds. Elle voit bien que les yeux des hommes se posent plutôt sur son string et ses fesses quand le regard des femmes balaie l’ensemble de son corps. Ses formes sont généreuses et elle trouverait ballot de ne pas en faire profiter les voyeurs. Quand on lui fait remarquer que cela s’apparente à une sorte de strip-tease non-rémunéré, elle sourit puisqu’elle est également gogo dancer au Macumba Beach Club après 23h00.

Alexandra n’est pas non plus avare de détails sur sa vie privée, des détails qu’elle partage avec Cindy et Joy, ses amies et confidentes de toujours, lors de longues conversations au téléphone. Ça tchatche non-stop grâce au forfait illimité et seules les batteries affaiblies viennent mettre un terme à ces épanchements. Et tout y passe: du comédon mal placé à la recette du gaspacho grand-mère, en passant par la nuit d’amour avec un beau brun de passage.

L’info en continu


Lias Kaci Saoudi de Fat White Family et Charlie Steen de Shame font perdurer la tradition inaugurée par Jim Morrison et Iggy Pop des chanteurs torse nu.

Jean-Pierre, quant à lui, est roux comme le feu. Cela n’a aucun rapport avec notre propos mais cela fait une transition facile pour ce dernier portrait d’un curieux invétéré qui pose autant de questions qu’un enquêteur de police. Jean-Pierre est très affable, presqu’un peu mielleux et ses indiscrétions peuvent en importuner plus d’un ou plus d’une car le sexe de son interlocuteur n’a aucune espèce d’importance. Il engrange des informations sur les gens de son entourage plus ou moins direct puisque son rayon d’action s’étend sur toute la ville de Vitré en Ille-et-Vilaine (18 000 habitants) où il connait un nombre impressionnant de gens, ce qui lui permet de faire des recoupements et d’établir des liens entre ses différentes connaissances. A l’entendre, on pourrait croire qu’il tient ses fichiers matériels à jour pour chaque personne dont il entend parler et qu’il connait ainsi de près ou de loin. Ce qui peut paraitre futile à son interlocuteur fait écho dans son réseau et lui permet d’établir des connexions sans intérêt pour la plupart d’entre nous mais qui lui sert de sésame pour obtenir plus de renseignements sur untel ou unetelle. Ce qui pourrait passer pour de l’attention délicate finit par tourner à l’obsession et on a parfois l’impression qu’il se livre à des investigations non pas par simple goût pour la conversation mais dans un but qui nous échappe et qu’on peut ressentir comme une intrusion un peu déplacée car ses sujets de prédilection sont les revenus des gens, leur santé, leurs fréquentations et si possible leurs affaires d’adultère ou tout ce qui peut toucher à l’intime. On appèle cela communément des commérages. Jean-Pierre en a fait une perversion ordinaire.

C’est pour la bonne cause… mais ça flatte les penchants narcissiques.

Vous ne vous êtes, je l’espère, retrouvés dans aucun de ces brefs portraits. Dans le cas contraire, vous pouvez encore rectifier le tir de vous-mêmes. Nous sommes loin des pathologies sanctionnées par la loi, mais personne n’est à l’abri de petits dérapages dans la voyure ou l’exhibition. J’apprends par exemple que les parents d’Alexia Daval, assassinée par son mari, vont publier un livre sur l’affaire et je m’interroge sur leurs motivations mais aussi sur celles qui pousseront des lecteurs à se procurer ce récit qui ne présentera d’intérêt que  dans la mesure où il rentrera dans l’intimité de la victime et de son meurtrier sur lesquels la justice et la presse se sont déjà longuement penchées. Qu’est-ce qui peut bien motiver cette curiosité qui pour le coup me parait malsaine? Ce n’est pas la soif de vérité qui stimule le voyeur mais un plaisir qui nait d’une intrusion au sein de la vie privée d’autrui. Face à un livre, on n’éprouve sans doute pas la même gêne que dans la vraie vie comme je peux sur ce site aller très loin dans la découverte psychique de tel ou tel serial killer sans éprouver le moindre embarras alors que je n’exploite pas outrageusement celle de mes connaissances directes. C’est sans doute la même pudeur qui me retient de vous révéler qu’adolescent, au cours de l’année 1980-1981, j’ai à plusieurs reprises exhibé mon pénis en érection à la sortie du collège Saint-Vincent à Rennes dont j’ai été discrètement évincé pour éviter que l’affaire ne s’ébruite dans la presse et ne fasse une mauvaise publicité à l’établissement…

Héroïne de Loft Story, Loana a écrit deux livres autobiographiques qui ont trouvé leur public. Ce dernier avait besoin de savoir si oui ou non, dans la piscine…

Nan, rassurez-vous, je déconne… mais l’impudeur de certains livres s’apparente à ce type de perversion. Il y a déballage et déballage et celui qui s’opère sous couvert de franchise autobiographique et sentimentale ne diffère de l’exhibitionnisme ordinaire que par son acceptabilité sociale et le degré de fusion entre la sphère intime et l’espace public, deux états de la Personne habituellement distincts même si une certaine porosité existe entre eux. Certaines identités ontologiques, les statuts virtuels de l’Instituant, se réalisent aussi bien en privé qu’en cercle plus élargi mais ces constantes s’adjoignent des variables qui s’ajustent au gré des circonstances. Si dans un contexte intime, je peux montrer mon sexe à mon ou ma partenaire (ou mes partenaires), au quotidien, je le garde dans ma culotte. L’exhibitionnisme consiste à sortir son attribut sexuel devant une personne inconnue et donc de manière incongrue. Au Superbowl 2019, Adam Levine a été accusé d’avoir montré ses tétons devant des millions de spectateurs : la notion d’attribut sexuel varie selon les civilisations et les époques. Le voyeurisme franchit lui aussi la barrière ontique qui nous retient de chercher à voir entre les cuisses des autres. Cette abolition pathologique de la différenciation entre états relève de l’espionnage: il met à jour le secret d’état qu’est le passage aux toilettes ou dans la cabine d’essayage, l’habillage ou le déshabillage, sous les jupes des filles ou dans le slip des garçons. A un moindre degré, l’effraction impudique peut s’exercer sur des matériaux moins sexuels mais tout aussi privé comme la santé ou la famille par exemple. J’ai connu jadis une professeur de français certifiée qui racontait à qui voulait l’entendre comment s’était passée sa dernière coloscopie : je dois dire à sa décharge qu’elle le faisait avec un humour extravagant qui rendait la chose supportable. Elle se targuait également d’avoir d’excellents rapports plus qu’amicaux avec l’inspecteur d’académie auquel elle devait son CAPES. Cependant d’une manière générale, ce sont des expériences qu’on garde secrètes et qu’on ne partage qu’avec son médecin ou son conjoint.

Tous atteints?

Loo Story

Les troubles fusionnels taxinomiques de l’appartenance sociale ne sont donc pas toujours aussi radicaux et spectaculaires que la vision qu’en donne l’imagerie populaire ou le DSM-5. Nous avons tous un côté voyeur ou exhibitionniste qui ne demande que l’occasion pour surgir. Qui peut prétendre ne jamais s’être mêlé que de ses oignons et de ne jamais avoir fait preuve d’une curiosité légèrement déplacée au cours d’une conversation surprise au restaurant, d’un accident de la route ou d’un ragot bien croustillant ? Qui n’a jamais été tenté d’en dire plus qu’il ne fallait et de faire une révélation qui ne regarde personne d’autre que l’intéressé(e) pour sidérer son auditoire ou tout simplement capter son attention ? La presse à sensation vit de ces débordements et si on déclenche généralement un scandale pour nuire à quelqu’un, on peut aussi être poussé à faire des révélations indécentes sur une personne pour un motif qui nous échappe. Pourquoi ai-je ressorti de ma mémoire, non sans un certain plaisir, ces deux récits inavouables de ma collègue dont vous n’avez finalement rien à faire puisque vous ne la connaissez absolument pas à moins que je ne vous révèle qu’elle est monégasque, rousse et qu’elle se prénomme… non, n’allons pas plus loin.

Tout le reste est secret défense. A la revoyure!

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