N8 – La morale, c’est du plaisir sous licence

Interdit, tabou, expiation, restriction, constipation, non de non! C’est à croire qu’on ne lâche rien avec l’axiologie médiationniste! Mais… mais… mais… l’heure est enfin à l’hédonisme et à la licence. On se détend.

Le plan de la Norme N8

Ça n’engage que moi mais je visualise magiquement l’éthique comme une montée vers l’interdiction et par conséquent, j’associe l’image de la descente au dépassement de la restriction.

Après un passage par la censure, on se détend au stade de la morale. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de la théorie de la Norme: la morale y est fondamentalement hédoniste, recherche d’un plaisir jusque-là contrarié. Rappelez-vous que j’ai dit que l’homme était voué au plaisir. Ça ne signifie pas que tout est permis mais plutôt qu’à l’autocastration éthique correspond une satisfaction morale, un volet performantiel et contradictoire comme dans tous les autres plans.

La licence est à comprendre comme une sorte de permission intrinsèque, un déblocage de l’abstinence mais qu’il ne faudrait pas confondre avec la débauche et l’excès. Car le passage à l’acte reste sous le régime du rationnement, à tel point que l’identification du désir initial réclame une déconstruction à la manière de celle que les psychanalystes pratiquent avec les actes manqués, les lapsus ou les rêves. La Norme agit comme un filtre qui rend la pulsion méconnaissable mais agréée, Jacques Laisis écrirait agréable comme on dirait acceptable. L’agrément déguise la pulsion initiale et la rend présentable: c’est une sorte de tenue correcte exigée.

Aviez-vous déjà remarqué tout ce qui se cache derrière cette expression? La direction vous demande de ne pas arriver débraillé et de vous tenir selon les règles de la bienséance: ni propos obscènes ni main aux fesses. C’est le Gage pour obtenir (ou conserver) le Titre d’entrée. Vous pouvez finalement jouir de la boite à la condition de ne pas passer à l’acte que vous êtes venu chercher: vous désaper et étreindre vos partenaires.

On en revient régulièrement au coït mais, je l’ai déjà dit, le sexe n’est pas ma première préoccupation… c’est en fait la seule!

Blague à part et si les allusions à la sexualité sont légion, c’est toute la libido qui passe par la Norme et qui est donc réglementée. Il y a ce qui passe le portique de sûreté et tout ce qui est refoulé mais le refoulé revient au galop: c’est le naturel du dicton, la recherche de satisfaction coûte que coûte. Car la pulsion ne s’en laisse pas conter, ou plutôt si: elle se la joue pour passer la censure et avec, ô combien, de ruse!

Grâce à la dissociation en plans, Gagnepain faite recouper le quatrième par les trois autres et il distingue le discours, le stratagème et le transfert. Je consacrerai une partie à chacun. Mais terminons-en d’abord avec la présentation de la morale.

Vous aurez compris que le théorie de la médiation entend par morale le passage à l’acte sous conditions: l’habilitation. Contrairement à l’usage qu’on en fait dans le technique notamment, l’habilitation ne vient pas d’un tiers au pouvoir. Ce n’est pas un examen d’aptitude à proprement parler mais un agrément par la purge qui peut porter sur tout ce que fait l’homme. La satisfaction n’est donc pas totale mais, même partielle, elle est effective. Seulement, c’est un succédané de plaisir brut tout comme le contournement de la restriction est un ersatz de l’interdit.

La psychanalyse freudienne parle de sublimation à propos de la dérivation de la pulsion sexuelle notamment vers la création artistique, intellectuelle ou littéraire. Sans rapport apparent avec elle, cette dernière en est la transformation. Freud s’étonnait également de l’étonnante capacité de la pulsion à se condenser et à se déplacer, c’est à dire à aller d’un but à l’autre. 

Pour la théorie de la Norme, la pulsion n’est ni exclusivement sexuelle ni spécialement agressive. La notion recouvre tout ce qui pousse à (c’est d’ailleurs d’étymologie du terme), autrement dit ce qui met en mouvement en vue d’être assouvi. Or cette envie se trouve normalement restreinte: elle subit un traitement par la Norme. Celle-ci classe les pulsions et les range. Certaines sont jugées acceptables, d’autres sont recalées, d’autres encore trouvent à se satisfaire de manière détournée. Le contournement de l’interdit travestit la pulsion en partie refoulée. Ce déguisement permet au censuré de tout de même resurgir mais sous une forme acceptable. La jouissance qui s’y lie est elle-même une métamorphose radicale de la satisfaction originelle. On prend son pied certes mais l’orgasme (si l’on s’en tient à l’aspect sexuel) se fait extase, un plaisir d’un autre ordre que celui qui se résume au simple relâchement d’une tension organique.

Les formes que peut prendre cette habilitation sont surprenantes. On ne se douterait pas de leur origine. Et c’est là qu’opère le recoupement des plans car le désir ne va s’exprimer qu’à travers l’activité humaine, en situation et sous des déguisements qui touchent parfois au sublime. 

Tout le reste est littérature! A la revoyure! 

Petit supplément pour les lexicologues:

Le terme de licence présente une polysémie intéressante. Je vous laisse juge. Je suis parti…

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