H23 – L’important, c’est de participer… Ta gueule!

La discussion après Cyrano et la petite valise au Majestic m’inspire cette petite chronique un rien vacharde. Mais tant pis pour celui dont je ne citerai pas le nom. Il l’a bien cherché.

Les Anthropochroniques H23

Je suis donc allé voir Cyrano et la petite valise, une beau documentaire qui suit l’évolution d’un groupe de personnes aux prises avec la précarité. Ils viennent une fois par semaine dans un centre de solidarité parisien pour faire du théâtre et de l’expression corporelle avec une comédienne pleine de bons sentiments et pas trop égotiste.

Lui, c’est Jean-Luc, un type hors-norme, chieur comme pas deux, drôle, impertinent et très pertinent.

C’est sans prétention. Pas de miracle à la clef! Seulement un peu de mieux dans l’existence de chacun dont certains vont trouver un taf et semblent s’en sortir un peu grâce au théâtre. Mais tous retrouvent le sentiment d’appartenir à une communauté, même temporaire, qui donne un statut et un rôle à chacun durant une matinée, puis une année, une assemblée à géométrie variable qui attend de chacun de ses membres une contribution à de petites performances dont la valeur réside dans ces contributions même. Le petit Marcel Mauss illustré: je prends la parole qu’on m’accorde, je donne la réplique et on me rend la pareille. On aurait pu conclure par « L’important, c’est de participer! » et rentrer chez nous en se félicitant d’avoir une couette pour couvrir nos fesses.

Elle, c’est Anne, enfermée dans son monde, parfaite, trop parfaite dans le rôle de Roxanne.

Mais non! Il a fallu que jaillisse de son fauteuil le génie verbeux, l’emmerdeur patenté et pas tentant, le deleuzien de service pour nous servir justement un discours, vraiment huilé, avec ce qu’il faut de concepts gazeux pour qu’on ne comprenne plus trop bien de quoi il s’agit dès la deuxième phrase. L’intervenant était dans son délire comme Lady Anne dans le film. C’est la seule pour qui le plan théâtre n’a pas pris parce qu’elle est enfermée dans sa psychose de folle de Chaillot. De l’autre côté du miroir, chacun des protagonistes trouve sa place dans le dispositif qu’installe la comédienne. Sauf Anne. Elle ne cherche pas vraiment d’ailleurs. Elle garde son manteau et son chapeau. Elle voudrait que tout tourne autour d’elle. Mais ça ne marche pas.

Et voilà que l’autre déboule avec son discours creux, il monopolise la parole, étale la nappe et déballe tous les ingrédients du pique-nique avec un très lointain rapport, mais alors très lointain, avec le thème de la soirée (qui était en gros: misère, exclusion et cours de rattrapage). Mais ça ne marche pas! Personne ne se rallie à la cause deleuzienne! Le désir, la raison, la nécessité et tout le toutim passe à la trappe! Nul et non avenu! Ce qui n’empêchera pas notre intervenant d’intervenir à nouveau alors que tout humain normalement équipé d’organes sensoriels aurait pu constater qu’il faisait chier le peuple de la salle du Majestic. Il a tout de même réussi à nous faire la preuve par l’absurde que « l’important, c’est de participer! », que tout deleuzien pontifiant qu’il est, il n’existe que dans les autres alors qu’il donnait l’impression de parfaitement se dispenser d’interlocuteurs. Au-delà de l’estime de soi qu’on obtient en partie par un effet de miroir, tout le monde cherche la reconnaissance d’autrui. Contrairement aux SDF du documentaire, le blabloteur intello ne l’a pas eue ce soir-là!

Tout le reste est littérature! A la revoyure!