P37 – D’un président à l’autre

Après la voie royale qu’offrait le cas de Schreber, voilà une affaire beaucoup plus délicate. C’est une hypothèse : elle vaut ce qu’elle vaut mais… cela vaut la peine de la tenter. Le salut de la nation entière est en jeu. (Un premier article sur ce cas a été publié dans Libres Commères le 9 mai 2020)

Les troubles de la Personne : la paraphrénie P37

Par l’ampleur de la responsabilité qu’elles impliquent, certaines charges réclament une certaine dose d’inconscience pour être endossée. Rappelez-vous Habemus Papam de Nanni Moretti où le nouveau pape se dérobe à sa fonction par crainte de ne pas être à la hauteur. La même aventure est arrivée à plusieurs reprises au président Schreber qui s’est effondré d’un côté pour mieux renaitre et accomplir sa destinée dans une vie imaginaire.

Le président Macron entouré de deux amis
au jeu de mains coloré

La diplopie permet sans doute à des paraphrènes plus nombreux qu’on ne le croit de vivre discrètement leur délire à côté de leur existence terrestre. Emmanuel Macron nous semble ainsi avoir deux vies cloisonnées que sa position d’homme d’état rend poreuse.

D’un côté, l’actuel président est le fruit d’une classe bourgeoise et d’une éducation conservatrice. Après une enfance glorieuse à Amiens, son début de parcours dans le monde parisien n’est qu’une suite de déconvenues, puis de bons placements. Son père l’envoie en prépa à Henri-IV pour l’éloigner de Brigitte Trogneux. Il échoue deux fois à la surprise générale pour entrer à Normale Sup, et passe par Sciences Po,  l’université de Nanterre (travaux sur Machiavel et Hegel) et le secrétariat de Paul Ricoeur. Macron se dira par la suite avoir été très influencé par la pensée de son employeur. Ensuite c’est l’ENA, l’inspection des Finances (curieux pour un fou de littérature et un philosophe de formation).

Alain Minc lui conseille de se remplir les poches avant d’entrer en politique, ce qui est normal dans le monde des inspecteurs des finances selon Emmanuel Todd, et Jacques Attali le recommande à François Henrot, le bras droit de David de Rothschild. Jean-Pierre Jouyet et Manuel Valls l’aident à se hisser à Bercy. Henry Hermand, un autre vieux mentor de Macron, balance qu’il « apparaît comme un homme sous influences multiples ». Hermand a aussi soutenu Hollande en 2012. Toujours d’après ce dernier, Brigitte Trogneux a de son côté «  orienté ses lectures, joué un rôle dans ses cercles d’amis, veillé à ce qu’il ne se disperse pas ».

Emmanuel Macron donne parfois l’impression de ne pas mesurer la portée de ses actes.

Pour la suite, je vous renvoie à Juan Branco qui raconte comment Bernard Arnault, Xavier Niel et quelques autres milliardaires ont boosté leur poulain. Bref, Macron reçoit des coups de piston à tous les étages mais surtout il est placé pour être là où il se trouve aujourd’hui, pro-européen, pro-américain, pas vraiment rebelle contre les puissants. On pourrait même avancer que les Français l’ont élu, ce qui n’est qu’en partie vrai (20% dont beaucoup par défaut et contre Marine Le Pen). Côté Rastignac, le président a donc une ascendance nombreuse et il ne semble jamais refuser les coups de pouce et les marchepieds. Il est assisté mais ambitieux et cherche la lumière des projecteurs comme la plupart des politiciens. Si le destin d’Emmanuel Macron tient de l’ascension rapide, là n’est pas à mon avis le plus extraordinaire et certainement pas la raison pour laquelle je le ferai figurer à la rubrique des troubles déontologiques de la personne. Le problème est ailleurs.

En parallèle à cette existence publique plus ou moins ordinaire, les paraphrènes peuvent mener une vie intérieure des plus intenses et fantastiques. Coïncidence ou pas, Macron est le chantre de l’en même temps. Si ces deux mondes psychiques sont bien partagés, l’imaginaire magique peut régulièrement faire des intrusions dans la sphère de l’existence ordinaire, sous forme de délire. On sait également que les drogues facilitent la porosité de ces deux univers. Schreber et Jésus a priori s’en passaient. Le premier dépasse les 50 ans quand il est interné, l’autre en a 30 (voire un peu plus) quand il quitte le domicile familial. Le président français a aujourd’hui 43 ans : statistiquement, les paraphrénies se déclarent en général après la quarantaine.

On est ici en pleine diplopie : « C’est la principale caractéristique de la structure paraphrénique qui fait éclater le cadre spatiotemporel avec un élargissement cosmique au niveau du vécu (dimension structurale mégalomaniaque), et déclenche l’automatisme idéoverbal et la structure paralogique du délire. » En d’autres termes plus triviaux, Emmanuel Macron se fait tout un cinéma déontologique intérieur. Implicitement, il s’est investi lui-même d’une responsabilité hors-norme, une compétence démesurée par un narcissisme exacerbé. Classiquement, ce délire paraphrénique reste idéologique (dit ou écrit) mais Emmanuel Macron se retrouve placé au plus haut poste de la Vème république : l’Élysée. Alors évidemment, le moindre débordement de sa vie fantasmagorique se voit beaucoup plus et ils ne sont pas rares. 

Le cadre du poste de président est assez précis : c’est lui qui nomme un premier ministre et qui s’occupe des affaires étrangères d’une très moyenne puissance mondiale, aujourd’hui bâillonnée par l’Union Européenne, il est aussi le garant de la constitution au-dessus des partis dont la parole est suffisamment rare pour être écoutée avec attention. 

Mais Emmanuel Macron a du mal à s’en tenir au cadre. 

On a tous en mémoire le meeting électoral avec explosion christique finale « parce que c’est notre projet » et plus récemment les interventions tous azimuts depuis le 1er mai « chamailleur » jusqu’à la Robinsonnade-jambon-fromage. Le président n’aime pas l’arrière-plan. Il a même tendance à voler la vedette quand il le peut. Mais un président m’as-tu-vu, ça n’a rien d’exceptionnel non plus. Trump et Kim Jong-un ne sont pas très discrets, et ils ont potentiellement tous les deux un pet au casque. A côté, Macron fait figure d’enfant de choeur.

Alors à quoi ressemblerait le délire d’Emmanuel Macron ? C’est là que ça devient le plus délicat parce qu’il n’est probablement pas prêt à coopérer. Cela dit, je pense que Macron a développé depuis son adolescence, c’est à dire l’apparition de sa Personne sociale et sa rencontre avec Brigitte Trogneux, un délire d’initiative carrément exceptionnel. Une force intérieure impérieuse (on peut parler du trouble ainsi) le pousse à toujours être le premier, pas obligatoirement le meilleur car il y a eu des blessures d’amour-propre dans son parcours qui n’en font pas un jupitérien, mais le premier à proposer quelque chose. C’est une dynamique qui le pousse dans une fuite en avant qui dépasse le simple cadre du pouvoir. Le pouvoir (ou du moins ce qu’il lui en reste dans un pays dominé par l’Union Européenne et sans puissance économique réelle), il l’a, il jouit de ses attributs et de son apparat, mais je ne suis pas persuadé qu’il pense que son royaume est de ce monde. D’où ces coups de colère quand le principe de réalité vient le percuter : « Qu’ils viennent me chercher ! », « gaulois réfractaires », « je traverse la rue et je vous trouve un travail», et toutes ces petites remarques qui témoignent autant de son mépris de classe que de son agacement. En gros, les français ne sont pas à la hauteur de ce qu’il propose et ils ne pourront jamais l’être puisqu’il veut toujours se trouver à l’initiative.

Ce n’est pas pour rien qu’en fin de meeting électoral, l’orateur survolté mais pathétique hurle « parce que c’est notre projeeeeeet ! » Cet homme n’est qu’initiative : il ne s’est d’ailleurs pas embarrassé d’un programme détaillé. La réalisation ne l’intéresse pas et il laisse le soin à ses ministres de faire le boulot. Il veut avant tout surprendre. C’est ainsi que le « premier de cordée » lance des idées sans lendemain (« je veux fixer comme objectif que la génération française qui naît aujourd’hui sera la première génération sans tabac », un ministre des finances de la zone euro, un chèque culture, une armée européenne qu’on attend toujours, un drapeau à la fenêtre le 8 mai en plein confinement), des formules ( un bouquin appelé « Révolution » sans complexes, « Make our planet great again », « nous reconstruirons Notre-Dame en cinq ans », un appel à « se réinventer, moi le premier »). Il annonce le 11 mai pour le déconfinement sans en informer son gouvernement auparavant. Le mercredi 6 mai (pourtant jour de la sainte Prudence), il a fait cette conférence sur l’avenir de la culture en France : il a profité des idées concoctées par son ministre Franck Riester pour se donner l’illusion qu’il reprenait l’initiative par rapport à Edouard Philippe qui en chie pour réussir à rattraper les balles de golf du chef. Mais il a rajouté son grain de sel et on a vu comment le très pâle Riester a dû agiter ses mains lors de la conférence de presse pour ajuster le tir.

« Parce que c’est notre projeeeeeeet ! »

Avec sa prof de théâtre, le jeune Macron faisait déjà la même chose : il a récrit la pièce d’Eduardo de Filippo. Il aurait pu carrément en écrire une autre, tant qu’à faire ? Hé, non, parce qu’il est loin d’être génial et que sur ce point il connait ses limites. Alors il propose un truc qui va étonner sa prof de théâtre à qui il en faut peu pour être épatée. Macron lecteur est même carrément conformiste si on en croit sa bibliothèque très traditionnelle alors qu’il se targue de littérature. Selon le sociologue Philippe Coulangeon, il y a chez lui un « hyperconformisme mâtiné d’un peu de transgression et d’une certaine bienveillance à l’égard de la culture de masse ». Ça n’en fait pas un excentrique. Pour ce qui est de sa liaison avec Brigitte Trogneux, je vais y revenir. 

Un dernier exemple de cette capacité à proposer n’importe quoi pourvu que ce soit une initiative personnelle ? Pas plus tard que le 18 mai, le Président soutient, dans des propos à la limite de l’incohérence, devant les caméras de BFM que la France n’a jamais été en pénurie de masques, ce qui va à l’encontre de tout ce qui s’est dit. Et que dire de ce tweet ?


Et je ne vous ai pas parlé de ses « re-trouvailles » lexicales : « poudre de perlimpinpin », «croquignolesque», « le carburant, c’est pas bibi », « pognon de dingue », « les 1er mai chamailleurs », « irénisme naïf », « se tirer les flûtes », « antienne », « utopies concrètes », sans compter ces expressions latines désuètes qu’il n’invente évidemment pas, mais qu’il est le premier à réutiliser depuis des lustres : il se singularise dans le langage en réactualisant des expressions poussiéreuses, parfois ridicules dans la fonction qu’il occupe mais qui ne passent pas inaperçues. C’est pathétique de la part d’un homme d’État, ce besoin d’être toujours à l’offensive avec des annonces ostentatoires. Cela dit à sa décharge, je ne pense pas que tout cela soit sous contrôle permanent. L’essentiel lui échappe. Et c’en est même symptomatique. D’où ce mauvais jeu d’acteur dans les moments solennels où rien ne doit déraper. Son entourage le dit à l’aise et séducteur mais tout cela respire la propagande. Je le sens pour ma part emprunté lorsqu’il est confronté au public qui réclame des réponses précises qu’il n’a pas ou exalté lorsqu’il s’embarque dans des performances grandiloquentes pas vraiment convaincantes.

Cet impératif de se singulariser par le fait d’être le premier à initier tout et n’importe quoi, c’est aussi ce qui explique l’exceptionnelle capacité de Macron à se contredire. Il a appris la dialectique avec Hegel et Ricoeur mais n’en a retenu que ce qui le concerne : la création et le dépassement de la tension. D’où cette formidable habilité à semer la disruption un peu partout et cette rhétorique du « en même temps ». Dans son délire très personnel, ce qui compte, c’est d’être à l’initiative, de lancer des projets, de montrer la voie, quitte à manquer de cohérence. Il n’est pas le plus brillant (contrairement à ce que la presse aux ordres tente de nous faire croire et comme Emmanuel Todd et Juan Branco, et même Alain Finkielkraut, je ne trouve pas le président intellectuellement très affuté sous le vernis rhétorique) mais il veut être le premier à avoir l’idée de faire. Quoi ? Peu importe pourvu qu’il soit celui qui propose ! 

Emmanuel Macron en intermittent
du spectacle vivant

La différence est assez subtile et oblige Macron à recourir à des propositions parfois ridicules (de notre point de vue en tous cas car lui ne le voit pas de cet oeil et comme personne ne contredit « l’empereur sans effets » en macronie). Regardez comme en diplomatie internationale, le petit « Frenchie » multiplie les initiatives infructueuses sur l’écologie, l’Europe. Il se fait recadrer régulièrement mais il est déjà ailleurs, parfois il revient sur ses engagements sans scrupules (le glyphosate ou les CSG pour les retraités par exemple). Avec le coronavirus, il s’est improvisé chef de guerre, père de la nation, avant de rendre visite à Didier Raoult et à Pantin (Pantin ? comme un lapsus !). A plusieurs reprises, il a fait des annonces qui ont pris de cours son propre gouvernement de larbins. Ce n’est pas un idéaliste parce qu’il n’a pas de but. Il vient de déclarer qu’il « n’a jamais cru à la mondialisation heureuse » mais appelle à une réponse européenne à la crise alors que Bruxelles va signer un contrat suicidaire avec le Mexique. Il propose un projet soi-disant moderne et progressiste pour la France, ni de droite ni de gauche, une révolution culturelle. Par ces effets d’annonce et ces coups de com’, il est toujours à l’initiative et son ego s’en satisfait quelles qu’en soient les conséquences désastreuses.

De l’autre côté, il fait ce pourquoi il a été nommé : déréguler le pays pour que le grand capital puisse régner en maitre absolu. Hegel révérait l’État, Macron le réduit en miettes et met ce qui reste au service de ses maitres sans que ça ne lui pose problème parce que ce n’est pas son objectif intime. Il se fout de la nation et des Français. Dans son délire, nous ne comptons pas. Pour son élection, le peuple ne comptait déjà pas. D’où les « 1er mai chamailleurs » et ce ton presque rigolard, et bientôt la lutte des classes avec mirlitons et confettis. 

Allez encore un exemple d’initiative foireuse mais à tous prix ? Une interview fleuve dans le Financial Times en plein crise sanitaire où il conclue sans jamais une seul phrase sur les Français  : « Je n’ai jamais rien imaginé parce que je me suis toujours mis entre les mains du destin. Vous devez être disponible pour votre destin. . . c’est donc là que je me trouve, prêt à combattre et à promouvoir ce en quoi je crois tout en restant disponible pour essayer de comprendre ce qui me semblait impensable. » Pensée complexe dont on nous rebat les oreilles ou dérapage messianique avec une inquiétante personnification du destin et un déterminisme surnaturel pas très rassurant de la part d’un chef d’État. Peut-être pas pire que le « In God we trust » des billets américains mais formule tarabiscotée un peu hasardeuse sans doute destinée à jeter de la poudre aux yeux des grands bourgeois qui lisent ce canard. Mais là, il nous faudrait le patient sous la main pour lui intimer le devoir de commenter et lui offrir le droit de se défendre.

On parle souvent de délire de persécution chez les paraphrènes avec de véritables douleurs psychosomatiques et des tortures que vous et moi ne pouvons généralement pas imaginer : à destin prodigieux, souffrances monstrueuses. Ce n’est pourtant pas systématique. Mais il semble tout de même qu’Emmanuel Macron ait beaucoup souffert psychiquement à Henri-IV : concurrence, isolement et échecs. L’oligarchie qui l’a placé à son service avait-elle dépisté chez lui cette faiblesse et cette malléabilité sous une apparence ambitieuse et conquérante puisque d’un côté, il fait ce qu’on attend de lui tout en donnant l’impression de n’en faire qu’à sa tête ? Toujours cette petite pointe d’insoumission et d’insolence, prêt à se présenter comme l’anti-système à lui tout seul, alors même qu’il est parfaitement formaté pour le rôle qu’on lui octroie. Mais là, il faudrait que Macron couche tout ce qu’il a dans la tête sur papier. 

Dans « Les Macron », une biographie très favorable au couple, un ami de jeunesse de Macron se souvient d’un roman qu’il a écrit : « Il y avait des passages terribles, des scènes de sacrifices humains ; tout était raconté avec un luxe de détails saisissants. » (p.47) Ce n’est pas tant le contenu qui nous intéresse que l’imagination vivace du futur khâgneux (étudiant en prépa littéraire). Macron n’est pas un calculateur froid mais un terreau propice à la fabulation.

Surprendre à tout prix !

Puisque nous en sommes à évoquer « Les Macron », un détail m’a frappé page 18. A l’adolescence, à côté des Nourritures Terrestres d’André Gide (pas très branché pour un ado des 90’s) et « Le Rivage des Syrtes » de Gracq (le désert des Tartares qui se barre en jus de boudin), Le Roi des Aulnes de Michel Tournier aurait été sur la table de chevet du mineur amiénois. « Il adorait ce livre », confie un de ses camarades à L’Obs. Un roman où le héros, une sorte d’ogre, se découvre une mission « phorique » de porteur d’enfant. Entre la grande histoire et le mythe. Là encore, je ne fais pas de diagnostic sur la comète. Je note qu’une fois de plus Macron montre une propension à l’imaginaire foisonnant qui contraste avec des goûts musicaux et cinématographiques des plus communs. On ne s’attendait pas non plus à avoir un fan des Pixies et de Wes Anderson à l’Élysée.

Cette bipolarisation de la Personne est typique du paraphrène. Alphonse De Waelhens cite l’exemple d’une femme persuadée de posséder le Ciel et la Terre et s’être « engendrée elle-même en rapprochant deux feuilles d’un arbre » qui vient chez son médecin pour ses rhumatismes et ses troubles du sommeil, tout s’occupant elle-même de son mari malade. Emmanuel Macron n’en est pas là, enfin je l’espère. Non, il a déjà rencontré plus fort que lui au cours de ses études et ne convoque finalement que des gens qui ne peuvent pas lui faire d’ombre sous prétexte de renouveau. Edouard Philippe, moins falot qu’à ses débuts, se rebiffe un peu ces jours-ci mais pourrait prendre un choc en retour. Macron joue sur la fulgurance, la rapidité, l’effet de surprise et de sidération pour être l’initiateur toujours reconductible. Alors que sa fonction dans la Vème république lui enjoint de rester en retrait pour veiller sur les institutions et s’occuper de la politique étrangère, il est omniprésent, sur le devant de la scène médiatique, tente d’être inattendu et pas toujours à bon escient. Il n’épate que ceux qui se perdent dans son verbiage moyennement sensé. Le dernier en date sur la culture est un fiasco inquiétant par sa confusion. 

Mais je le répète, la grandeur n’est pas la compétence qu’il s’octroie : ce vers quoi le pousse sa tendance paraphrénique, c’est à être le premier à dire quelque chose de nouveau. Dans l’état de stress permanent auquel il est soumis, ça ne peut qu’empirer. Et je vous le répète, nous ne savons qu’une petite partie de ce qui se trame dans sa tête. On n’en est pas au stade des confessions : on pourrait avoir des surprises de taille.

Reste un dernier point à aborder : l’auto-génération. Le paraphrène nie la génitalité naturelle sans la réinvestir dans la parentalité. Dans son délire, le patient se construit volontiers une naissance fantastique. Après son adolescence, Emmanuel Macron a quasiment rompu avec sa famille. Il a plus parlé de sa grand-mère que de ses parents. Et là, j’avance une hypothèse aventureuse. S’il jette son dévolu sur Brigitte Trogneux, encore « Madame Auzière » dans les années 90, c’est parce qu’elle est symboliquement dans son imaginaire la mère qu’il transforme en épouse et dont il n’aura jamais d’enfant. Il court-circuite ainsi toujours le processus génital pour se retrouver finalement à ne rien devoir à personne. Il est à la fois le père (il prend la place du sien qui réprouve son comportement) et le fils grâce à sa compagne plus âgée : symboliquement, il devient l’enfant de lui-même sans rien devoir à un géniteur naturel.

Dans cette même logique, Macron tend à effacer de son parcours un certain nombre de ceux qui ont pu l’aider. Dans une conférence, Emmanuel Todd plaisantait là-dessus à propos des professions intermédiaires et des retraités : « il trahit tous ceux qui l’aident » disait-il. Je pense que dans la logique de singularité dans laquelle une partie de sa personne est enfermée, Macron se débarrassera autant que possible de tous ceux qui auront pu lui être utiles. Ce n’est pas du mépris mais un mécanisme d’autolyse pathologique qui le conduit à s’auto-déterminer comme un homme qui scierait les barreaux de son échelle pour faire croire qu’il est monté tout seul. Il a ainsi trahi Hollande sans sourciller et ne tardera pas à le faire avec son premier ministre. Par contre, il a le pouvoir de nommer ceux qui l’ont aidé et du coup celui d’inverser les rôles par retour d’ascenseur : Jean-Pierre Jouyet a été nommé ambassadeur de France en Grande-Bretagne ou Philippe Besson au Consulat de Los Angeles par exemple.

Le côté social de son moi sait qu’il doit continuer à accomplir sa tâche exécutive au service du grand capital mais l’autre versant va multiplier les initiatives, peut-être même les plus désastreuses ou les plus insignifiantes, pour veiller à rester celui à qui on ne peut pas s’habituer puisqu’il est toujours loin devant à lancer des projets toujours plus prodigieux et des phrases plus longues que les miennes mais moi, je sais quand je dois m’arrêter et aussi que je peux me tromper.

Tout le reste est littérature ! A la revoyure !

Une nouvelle pièce à verser au dossier. 11/06/20

Et encore une :

https://london.frenchmorning.com/2020/01/08/emmanuel-macron-veut-decerner-la-legion-dhonneur-a-londres/

Et une de plus : la pièce qu’Emmanuel Macron réécrivit avec Brigitte Trogneux à la Providence, s’intitule « L’Art de la Comédie » et son auteur en est Eduardo De Filippo. C’est tout de même étrange. Sinon en ce 3 juillet, Macron pousse Édouard Philippe à la démission pour ne pas qu’il lui fasse de l’ombre et il a le culot de lui confier une mission de rassemblement. On est toujours dans l’inédit. C’est du non-sens le plus complet mais ça ne ressemble en rien à ce qui a déjà été fait. Macron poursuit dans la nouveauté à tout prix : on n’est pas au bout de nos surprises.

https://fr.sputniknews.com/france/202007031044051910-macron-propose-a-philippe-une-mission-en-vue-de-2022-apres-sa-demission/?utm_source=push&utm_medium=browser_notification&utm_campaign=sputnik_fr

Et ça continue :

Ça n’arrête pas!

https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/12/15/emmanuel-macon-veut-reformer-la-constitution-pour-y-integrer-la-preservation-de-l-environnement_6063409_3244.html

On a même l’impression que c’est sans fin.

Jacques Généreux dans une interview de Le Vent se Lève confirme à sa manière notre thèse sur Emmanuel Macron: « Quand je dis que Macron n’est pas le président des riches, cela ne veut pas dire qu’il ne fait pas une politique pro-riche. Inutile de revenir là-dessus, c’est une évidence. La politique d’Emmanuel Macron est la caricature d’une politique favorable aux riches. « Président des riches » peut être à la rigueur un slogan pour dénoncer sa politique. Mais si c’est une analyse, si la thèse est de dire qu’il fait délibérément une politique au service de sa classe dont il tire son pouvoir, alors cette expression est incorrecte. Cela sous-entendrait qu’il a été élu par ces riches et qu’il travaille consciemment à leurs intérêts. Or, la sociologie de son électorat met en évidence qu’il n’est pas élu par les riches [2]. La majorité de son électorat est issu d’une classe moyenne voire populaire et de professions intermédiaires. Les cadres supérieurs, qui gagnent plus de 3000€ par mois, votent préférentiellement pour le candidat de la droite. Il n’est pas le candidat préféré des riches, il n’a pas été élu par eux. Dès lors, on peut réfléchir aux raisons de sa politique. Je ne crois pas aux procès d’intentions. Il est stupide de prêter à Emmanuel Macron une intention fondamentalement malveillante vis-à-vis des plus pauvres. Il faut se pencher sur ce qu’il a dit. Je me suis intéressé à ses écrits publiés avant de rentrer en politique.

Son cap n’a jamais changé, malgré ses discours pendant le premier confinement. Il est fondamentalement convaincu des bien-fondés de ce que l’on appelle la politique de l’offre : il y aurait trop d’entraves à l’initiative individuelle, à l’investissement privé, trop d’assistance qui nuirait à l’incitation au travail, trop de secteurs où la concurrence est insuffisante… Il n’a jamais dévié de cette doctrine néolibérale, malgré les changements de court-terme pour sauver l’économie quand tout était à l’arrêt. On sait très bien que ces politiques ne fonctionnent pas : même l’OCDE et le FMI reconnaissent que la baisse des charges patronales, la libéralisation du licenciement, entre autres, n’ont aucun effet sur le chômage et la croissance. Si Emmanuel Macron était un malveillant cynique qui voulait se maintenir au pouvoir coûte que coûte, il aurait accepté le rapport de force, plutôt que l’entêtement idéologique ! Un opportuniste n’a pas d’idéologie. Mais lui a refusé tous les rapports de force. Rien ne le fait céder ! Aux Gilets Jaunes, il a lâché des miettes, pour qu’on ne remette pas en cause sa logique et son idéologie. S’il voulait uniquement s’assurer d’être réélu, il accepterait peut-être de faire des réformes plus agréables pour la population.

J’essaie de montrer dans ce livre qu’il est un véritable idéologue qui se croit investi d’une mission : réussir à mettre en place les réformes néolibérales pour faire la prospérité du pays. Il veut être reconnu pour avoir eu le courage de mener ses réformes impopulaires qu’il estime salutaires. Ce n’est pas le président des riches mais le représentant d’une idéologie néolibérale qui croit sincèrement être dans l’intérêt public. Il faut aussi comprendre que l’on n’est pas président tout seul, on ne gouverne pas tout seul. Il y a beaucoup de gens qui le soutiennent en croyant véritablement à cette politique de l’offre. On ne peut pas faire l’hypothèse que tous les élus de La République en Marche soutiennent cette idéologie par intérêt individuel. D’ailleurs il y a très peu de grands patrons parmi ces élus. Il en va de même des journalistes et commentateurs favorables à sa politique : ils croient en son bien-fondé. Il faut prendre au sérieux le fait que la plupart des professeurs d’économie, la plupart des journalistes, des militants, croient fondamentalement à cette politique de l’offre. Donc, ils croient à des bêtises. D’où l’importance d’étudier la bêtise. »

Et ça continue:

Cette fois-ci, c’est Sandrine Rousseau, pas franchement une spécialiste de la psychiatrie qui s’en aperçoit à 10minutes15.

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