H25 – Le complotisme 2.0

En rapprochant paranoïa et théories du complot, nous nous obligeons à envisager le second dans la perspective de la première parmi les troubles fusionnels de la Personne. Ces derniers estompent des lignes #ontiques et #déontiques, ce qui va nous permettre de porter un éclairage nouveau sur la défiance toute contemporaine d’une certaine catégorie de la population vis à vis des élites dites progressistes.

Les Anthropochronique – H25

« Choisis la pilule bleue et tout s’arrête, après tu pourras faire de beaux rêves et penser ce que tu veux. Choisis la pilule rouge : tu restes au Pays des Merveilles et on descend avec le lapin blanc au fond du gouffre »
Morpheus

Dans les différents cas étudiés en P53 et P54, le processus complotiste ramenait spontanément à une cause unique des faits avérés et habituellement dissociés, en créant le cas échéant des évènements fictifs, le tout provoquant par conglobation (agrégat de faits disparates, communément appelé mille-feuilles) une adhésion à la thèse principale qu’on peut résumer ainsi : une clique puissante agit dans l’ombre contre l’intérêt général et on peut en découvrir des preuves en cessant de se laisser abuser (la pilule rouge dans Matrix). Le conspirationnisme abolit donc le cloisonnement entre des évènements qui devraient rester étrangers les uns des autres, des faits officiels et des constats beaucoup plus douteux qui ne résistent généralement pas à un examen rigoureux. Le déterminisme historique convoque quant à lui une pluralité causale parce que l’Histoire humaine n’est pas l’oeuvre d’individus ou le fruit des idées mais la conséquence de rapports de force contradictoires en interaction permanente. La vision complotiste des choses est une simplification #mythique d’un état de faits complexes, une diabolisation réductrice des mouvements historiques. 

« Je reprendrai bien un peu de brioche. »

La Révolution française s’origine autant dans la volonté de la bourgeoisie d’accéder au pouvoir et à la propriété terrienne que dans les mauvaises récoltes de 1788, la crise du textile, l’affaiblissement de la monarchie, la passion de Louis XVI pour la serrurerie, le goût de Marie-Antoinette pour la brioche et le fait que l’impôt soit uniquement supporté par le tiers-état (rayez la mention inutile). En 1798 pourtant, l’abbé Augustin Barruel, un jésuite, c’est à dire un lettré, que la Révolution a sans doute malmené, propose quant à lui une version ouvertement complotiste puisqu’il l’attribue à une grande conspiration anti-chrétienne ourdie par les Templiers, les Rosicruciens, les philosophes et les francs-maçons, eux-mêmes influencés par les Illuminés de Bavière qui, s’ils n’ont pas fait long feu sur place, ont eu une postérité impressionnante. A la même date exactement mais en Écosse, un professeur d’histoire naturelle s’égare lui-aussi dans une thèse d’histoire révisionniste : Les Preuves d’une conspiration contre l’ensemble des religions et des gouvernements d’Europe de John Robison vient ainsi compléter Les Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme de Barruel.

Chez ces deux auteurs, à la causalité plurielle et en partie aléatoire de l’historien matérialiste, s’oppose donc l’action malveillante et déterminée d’une minorité ultra-puissante, ici un conglomérat hautement improbable dont la seule volonté de détruire la chrétienté servirait de trait d’union. Le complotiste peut par conséquent mettre en rapport des faits historiques indépendants dans un déterminisme irrationnel, purement spéculatif et non-vérifiable. En termes de biais cognitifs très à la mode, on parle de cherry picking et de biais de confirmation qui consiste à ne collecter que les informations qui corroborent une proposition mais en se jouant des limites ontiques et déontiques, temporelles, géographiques et même politiques.

« Ce document explique pourquoi Syd Barrett a été écarté du Pink Floyd. Tous ceux qui ont lu le Da Vinci Code savent de quoi il retourne. »
Eric Drummond, critique musical au Gorafi

Le complotisme tend donc vers la confusion des genres. En propos plus médiationnistes, nous dirons que le désir et l’idéologie occultent la résistance de l’expérimentation et jettent des passerelles explicatives, mythiques et improbables entre des ministères et des faits normalement indépendants, voire incompatibles. Autrement dit, toute institution politique tend à modifier la réalité à son profit (pour persévérer dans son être comme dirait Spinoza) et les mouvements complotistes qui cherchent à consolider coûte que coûte leurs intuitions ne s’embarrassent pas de détails pour les ériger en preuve, en argumentaire et en chaine logique : les commentateurs moralistes font un peu rapidement passer cela pour de la naïveté, voire de la stupidité. 

Selon les nazis par exemple, le complot juif englobait le capitalisme anglo-américain et le judéo-bolchévisme alors même que les intérêts du bloc occidental et de l’URSS étaient en apparence opposés: la ruse et la dissimulation étaient une stratégie pernicieuse qui autorisait en retour une lutte sans pitié. La dissolution du contraste capitalisme/communisme est abusive (les nazis sont eux aussi productiviste) comme l’Histoire le montre et elle ne trouve son fondement que dans la logique paranoïaque et manichéenne du « eux tous contre nous ». L’idéologie nazie reprend ici le principe de l’ennemi fédérateur unifié tout en lui donnant une connotation complotiste avec la trame juive Marx-Trotsky-Rothschild, issue d’un antisémitisme ancestral et d’une tradition du bouc-émissaire tout trouvé.

On ne remerciera jamais assez les juifs et les Illuminatis de nous simplifier la vie à ce point-là. Ils sont les fusibles d’un court-circuit qui donne une lecture du monde somme toute assez satisfaisante pour un pourcentage non-négligeable de la population. 

La paranoïa complotiste ramène donc à une même volonté de domination (maléfique parce qu’elle dépossède ses victimes de leur souveraineté, même si c’est en apparence pour faire leur bien) des faits historiques confirmés et parfois éloignés, des groupes et des individus aux intérêts distincts. Ce qui n’est pas constatable en revanche, ce sont les passerelles explicatives qui naissent de la spéculation conspirationniste. Comme on l’a déjà vu, cette dernière se nourrit de l’opacité du pouvoir, du manque d’informations et de l’état d’insécurité que génère le flou #heuristique, ce qui alimente les théories les plus surréalistes et les plus noires. Si les sorcières présumées étaient souvent des veuves, on avait tôt fait d’attribuer la mort de leurs maris à leur soi-disant connaissance des poisons, celle-ci n’étant souvent que la science des plantes médicinales qu’on se transmettait de mère en fille, la toxicité étant comme chacun sait une question de dosage.

Antonio Gramsci écrivait : « Le vieux monde se meurt, le nouveau est lent à apparaître, et c’est dans ce clair-obscur que surgissent les monstres. » Ce n’est sans doute pas au complotisme mais au fascisme (quoique les raccourcis propagandistes sont souvent les mêmes) qu’il faisait allusion mais les monstres au sens propres du terme (ce qui s’écarte de la norme) sont tout de même assimilables à ces constructions intellectuelles prodigieusement mythiques qui harmonisent et synthétisent l’émiettement du monde qui vient perturber une conception totalisante et simple. 

Le complot fantasmé canalise les récriminations vers un unique groupe d’individus. Succédant aux sabbats des sorcières et aux cérémonies des francs-maçons, les réunions des grands clubs bourgeois (Bilderberg, Trilatérale, le Siècle…) drainent beaucoup plus de théories complotistes que les multiples autres cercles (Jockey Club, Rotary, Lions, Femina, Club Richelieu, Club 41) qui fleurissent pourtant dans chaque ville de France et organisent les notables. On peut attribuer cet effet au manque de transparence des conversations au sommet et à l’importance sociale des gens qui composent ces cercles. Rappelons que dans un certain nombre de ces rencontres, ce qui s’y dit n’est pas censé filtrer à l’extérieur. Les loges maçonniques qui entretenaient la discrétion (les sabbats étant des fictions) ont également attiré la vindicte des complotistes, et d’une manière générale, toute organisation dotée de pouvoir qui ne rend pas publiques ses activités attise sans même le vouloir les soupçons d’activités clandestines et néfastes (pourquoi en effet ne pas rendre publiques, ce qui est inoffensif ou bienveillant?). C’est donc tout naturellement que les services secrets dont l’action ne peut par définition pas être révélée sont régulièrement suspectés d’outrepasser leurs prérogatives et de s’octroyer des droits couverts par le secret défense.

Tant que le peuple fait confiance à ses dirigeants, cet état de faits n’est pas remis en cause mais il suffit que la défiance s’installe vis à vis de la classe qui gouverne suite à quelques affaires et l’opinion publique, attisée par des agitateurs en mal de publicité et de désordre, s’empressera de ranimer le fantasme de la surveillance à la Big Brother qui ne laisserait aucune place à la vie privée et à la dissidence. 

D’autant que la réalité a très souvent rejoint la fiction sur ce point: entre les agissements de la Stasi dans « La Vie des Autres » (notre photo de gauche) et les révélation de Snowden sur les écoutes de la NSA, on est servi. Les noms de CIA, FBI, NCIS, KGB, DGSE, Mossad ou Intelligence Service sont mondialement connus notamment grâce aux séries télévisées. Mais on a passé un cran supplémentaire avec l’apparition de l’informatique et de l’automatisation.

Les nouvelles technologie de la communication et de la captation d’informations focalisent aujourd’hui l’essentiel des obsessions complotistes. La complexité des algorithmes et la rapidité avec laquelle se développent les applications et la disruption pratiquée par les GAFAM (Google Amazon FaceBook Apple Microsoft) viennent s’ajouter à la dimension gigantesque des multinationales de l’informatique et à l’extrême capillarité des réseaux qu’elles ont mis en place. Se superposent à cela le manque de connaissance objective de ces nouvelles technologies dans le grand public et le caractère quasiment magique que peut revêtir la circulation de l’information à la vitesse de la lumière.

La reconnaissance faciale gagne les réseaux de surveillance alors qu’on n’a toujours pas trouver de remède à la prosopagnosie. En fait le cherche-t-on?

L’hyper-connexion qui a l’origine devait permettre à tout un chacun de mieux maitriser son environnement pour gagner du temps et de l’autonomie semble pour un certain nombre d’internautes se retourner contre eux et le contrôle de s’exercer dans l’autre sens à travers le big data (le traitement par ordinateurs d’un nombre astronomique de données numériques). La marchandisation de ces données conduit certains utilisateurs à se sentir dépossédés, ou plus exactement possédés contre leur volonté, par des firmes aux intentions de moins en moins transparentes. De par sa miniaturisation et sa délocalisation, le stockage de l’information fait planer le mystère sur son étendue véritable. On l’appelle mythiquement le « cloud » (nuage) alors qu’il n’y a pas plus solide, énergivore et calorifère qu’un data center. Or, en prenant soin du stockage de nos datas, les GAFAM les mettent à profit et tous les internautes aujourd’hui le savent, notamment à travers la publicité ciblée invasive.

Réelle ou pas, la manipulation devient réalité pour les esprits les plus méfiants. Les moteurs de recherche orientent nos modes de collecte de l’information et par là même influenceraient nos choix. Les spywares nous espionnent au sein même de nos PC et les réseaux sociaux récupèrent sans arrêt des indices sur nos activités les plus personnelles. Les mises à jour continuelles qui ont la réputation d’accélérer l’obsolescence programmée nous laissent démunies devant une volonté manifeste de s’exercer peut-être pas à nos dépends mais sans notre consentement. Nous validons tous les jours des protocoles que nous ne lisons pas et cette perte de contrôle du côté de l’utilisateur s’accompagne d’un gain de pouvoir des multinationales que les États eux-mêmes ne semblent plus pouvoir dominer puisque ces sociétés transnationales se jouent des frontières géopolitiques. Avec la démonétisation de l’argent, les banques et les bourses du monde entier sont entrées dans la danse et n’échappent pas à la méfiance générale. La globalisation connectée entretient chez certains le cauchemar de la surveillance et du contrôle total.

Max la menace ou les premiers
pas du smartphone

Le 4 décembre, le ministère de l’Intérieur français a publié trois décrets élargissant le champs des fichiers GIPASP, « Gestion de l’information et de la prévention des atteintes à la sécurité publique », et PASP, pour « Prévention des atteintes à la sécurité publique » gérés respectivement par la gendarmerie et la police nationale. Les décrets publiés élargissent les cibles possibles de la collecte des données personnelles aux personnes morales et « groupements ». Pire, alors que ces fichiers visaient jusque ici des données sur les « activités » des personnes (des faits), les décrets étendent la collecte aux « opinions politiques », « convictions philosophiques, religieuses ou une appartenance syndicale ». Ce glissement est une intrusion supplémentaire dans la vie privée et une atteinte à la liberté d’opinion. Sera également étendu le ramassage des données aux identifiants utilisés sur internet, dont les pseudonymes (mais pas les mots de passe), et à l’activité sur les réseaux sociaux. Cela se fait au nom de la « sécurité globale » mais pas sûr que ça calme la vague complotiste qui monte dans le pays. Tout dépend si on continue à adhérer à la doxa républicaine qui veut que le gouvernement soit au service du bien du plus grand nombre… ou pas.

Je ne me positionnerai pas ici sur le bien-fondé de ces soupçons puisqu’une cellule élyséenne de surveillance décrypte régulièrement mes publications suite à P37 mais je n’en dis pas plus. Il importe surtout que nous fassions le constat que la complexification exponentielle de notre quotidien informatique et de la société en général offre un terrain particulièrement sensible au complotisme.

¨Êtes-vous à jour? »

Les plus récents épisodes de cette méfiance concernent la santé. La numérisation de nos données médicales (carte vitale, le site ameli.fr, dossier médical partagé, mutuelle à distance et remboursement automatique) permettent théoriquement de mieux cerner notre état de santé mais exploitées à mauvais escient, ces données pourraient se retourner contre nous : mes ennuis de prostate deviendraient ainsi un obstacle majeur à l’obtention de mon prêt immobilier, les mutuelles ne se priveraient pas de consulter mon dossier avant de me faire signer mon adhésion, mon futur employeur pourrait moralement désapprouver un avortement passé, la révélation de mon alcoolisme me coûtera la victoire aux prochaines législatives.

Black Mirror, entre avertissement et anticipation.

La Chine alimente régulièrement les chroniques alarmistes sur les progrès de la reconnaissance faciale par les caméras de surveillance et l’emprise accrue d’un État totalitaire sur les citoyens lambda, notés et sanctionnés à la moindre incartade. Le contrôle des individus en Chine n’est pas de l’ordre du fantasme mais nourrit l’imaginaire populaire dont la série « Black Mirror » a su tirer partie, tout en posant des questions parfaitement pertinentes sur l’omniprésence des néo-tech et des TIC (l’abondance des acronymes n’est pas un gage de transparence) dans nos existences et nos destins. 

Les compteurs communicants Linky et Gazpar rencontrent également une forte réticence chez les consommateurs qui supportent mal l’idée que leur consommation puissent être vérifiée à distance, régulée et le cas échéant stoppée. Les smartphones nous géolocalisent partout et prennent en main nos trajets et tout un tas de petites décisions qui nous incombaient auparavant : certes nous restons les maitres à bord mais sous influences. Beaucoup d’utilisateurs pensent que les services de renseignements qui infiltrent déjà les réseaux sociaux peuvent écouter n’importe quelle conversation grâce aux smartphones même éteints.

Les malwares (maliciels pour les amateurs de néologismes)  ou logiciels malveillants comme les virus, vers, chevaux de Troie, ransomwares, adwares, scarewares, bref tous ces logiciels hostiles, intrusifs et intentionnellement néfastes pour l’ordinateur particulier ou le système informatique d’une société créent une menace virtuelle objective qui se traduit par une crainte diffuse propice à l’acquisition de programme de protection. Le web nous ouvre sur le monde mais il nous expose également à toutes sortes d’agressions plus ou moins graves, du pop up publicitaire au cheval de Troie qui permet à un étranger de prendre le contrôle de mon PC et donc de mes données personnelles à distance, ainsi que de mes visites sur tel ou tel site.

Des rumeurs toujours en circulation affirment que plusieurs virus ont été créés par les fabricants de logiciels eux-mêmes justement pour empêcher les internautes de télécharger illégalement leurs programmes. Il n’est pas non plus impossible que l’industrie des logiciels antivirus, sans délibérément créer des virus, aide à propager la peur d’être infectée, pour justement augmenter leur vente. Microsoft a un temps été soupçonné de financer des pirates pour créer des virus. Les enquêtes n’ont semble-t-il jamais mené jusqu’à Bill Gates mais la mauvaise réputation colle aux basques du créateur de Microsoft. 

Windows, la légende de la puce…

Selon le New York Times, « en multipliant ses apparitions publiques pour rallier les soutiens à son projet, Bill Gates est de plus en plus régulièrement la cible de théories complotistes qui pourraient saper ses efforts de vaccination. Certaines affirment faussement que sa fondation expérimente des vaccins qui ont tué des milliers d’enfants en Afrique et en Inde, tandis que d’autres l’associent à des projets de dépopulation bidons. Selon un sondage de mai 2020, 44% des partisans du Parti républicain aux États-Unis pensent que l’effort d’immunisation mondial sert de couverture à M. Gates pour implanter des micropuces visant à tracer les individus. Cette affirmation est sans fondement. »

Mais la rumeur des nanoparticules injectées avec le vaccin anti-Covid ont la vie dure. Il faut dire que les sommes en jeu sont colossales et que Bill Gates n’a pas fait fortune en distribuant des cadeaux. Son entreprise de philanthropie, la Fondation Gates, parce qu’elle s’intéresse à la santé humaine, soulève beaucoup de questions et de craintes et les détracteurs ne manquent pas. La générosité même de Bill Gates est sujette à caution. Jusqu’à dernièrement, on aurait pu penser que les sommes énormes qu’il alloue à l’OMS étaient pure générosité, tout comme la subvention annuelle de 4 millions d’euros au journal Le Monde, réputé (moins aujourd’hui tout de même) pour son impartialité. Or le ver est dans le fruit et les bonnes intentions de Bill Gates ont été dénoncées et reprises dans le documentaire Hold Up dont les allégations ont été elles-mêmes débunkées par les Décodeurs du Monde. Une preuve supplémentaire pour les complotistes qu’il y a péril en la demeure pour le milliardaire. Sans présumer de la véracité de l’une ou l’autre version, je constate que la stratégie de défense de Bill Gates se retourne contre lui dans le mode de fonctionnement paranoïde des complotistes.

Bill Gates n’a pas que des fans.

Dans une vidéo posté sur Instagram début novembre 2020, Kim Glow, une vedette de télé-réalité assure que le vaccin inoculerait des nanoparticules activées par la 5G et le Covid serait une maladie inventée pour lutter contre la surpopulation mondiale. Le vaccin stériliserait les femmes, d’où l’empressement de la fondation Gates à faire vacciner les plus démunis et les moins éduqués de la planète. Si on part du principe que Bill Gates est machiavélique et malthusien, ça se tient mais rien ne corrobore ni n’infirme cette idée, tout est une affaire d’opinion à la base sur le capitalisme américain et le « remords caritatif » (on accapare pour mieux redistribuer). Les chemtrails s’étaient déjà développés sur la même thématique mais la défiance était interne aux États-Unis avant de s’étendre à d’autres pays avec le développement des vols aériens.

L’émergence des réseaux sociaux a vulgarisé la prise de parole et la hiérarchie des sachants est aujourd’hui bouleversée. La parole des élites technicienne ou scientifique se retrouve placée au même niveau que celle de n’importe quel influenceur ou éditorialiste des chaines d’informations en continu et ce nivellement du discours public ouvre la porte à la dévalorisation générale de la vérité : toutes les théories finissent par se valoir et le citoyen déboussolé et non-averti s’en remettra à la plus arrangeante, celle qui va dans son sens, quitte à friser le délire. De la même manière, le paranoïaque remodèle le monde à sa manière toute personnelle et soutient des positions parfois en contradiction flagrante avec celle de l’observateur extérieur. Le complotiste trouvera sur les réseaux sociaux de quoi alimenter sa théorie et se soustrait à l’argumentation contradictoire rigoureuse avec les mêmes stratégies de détournement que le paranoïaque. Les scénarios paranoïdes se sont enrichis avec les nouvelles technologies et ont pris un caractère pseudo-scientifique parfois retors au débunkage souvent impuissant contre la foi complotiste, sur-alimentée par des canaux dédiés et des chaines parallèles.

Le manichéisme complotiste s’est mondialisé depuis la Révolution française et la technologie a pris la place de l’occultisme et du mauvais oeil mais la pathologie (si dysfonctionnement il y a) sociale reste la même. Parmi une population inquiète face un avenir incertain dans un monde en crise à l’organisation opaque à cause de sa complexité (et également par intérêt stratégique économique), nait et croit l’idée que des milliardaires puissants (une gouvernance mondiale) avec des intérêts communs et servis par des technocrates sans états d’âme (les gouvernements) développent des stratégies (ou exploitent des opportunités dramatiques) pour contrôler et asservir l’immense majorité de la population. Dépossédées de leur souveraineté nationale et de leur libre-arbitre individuel (port du masque, confinement, conditionnement médiatique, vaccination obligatoire), autant de facteurs vécus comme des intrusions dans l’égo des individus technocratiquement prolétarisés (à la souveraineté confisquée par la technique), une partie des couches populaires trouvent dans les théories conspirationnistes une consolation et un remède à une blessure narcissique profonde, provoquée par cette incompréhension des évènements, ce sentiment d’impuissance face aux décisions gouvernementales et ce déclassement socio-économique. Signe des temps, le complot a pris une consistance technologique et la défiance populaire en France en tout cas s’est étendue avec la pandémie à la corporation des médecins et aux publications scientifiques (affaire Raoult, scandale du Lancet) dont une bonne partie est soupçonnée de soutenir la gestion pour le moins opportuniste de la COVID-19. D’où ce rejet de la vaccination contre la Covid-19 (52% au 9 décembre 2020), l’opposition au port du masque et le respect peu scrupuleux du confinement.

Le flottement #hégétique et l’information lacunaire ont laissé s’installer un climat complotiste dont certaines inquiétudes sont fondées et d’autres non (conglobation). Sans rentrer dans les détails, disons que les défaillances récentes et l’excès de confiance des technocrates ont torpillé la foi dans le discours scientiste et technophile du millénaire précédent. Contrairement au délire de la paranoïa individuelle que les cliniciens peuvent assez facilement circonscrire (un patient, un environnement sain, une norme clairement établie et stable), la théorie du complot mélange des éléments factuel avérés et des spéculations beaucoup plus hasardeuses, voire aberrantes. Mais les convictions sont d’autant plus tenaces qu’elles touchent cette fois-ci au plus intime de l’humain: son ARN et son ADN pour le vaccin, mais aussi les libertés individuelles les plus élémentaires comme la liberté de mouvement avec l’assignation à résidence et le traçage des déplacements et des contacts avec l’application StopCovid. Si l’antivirus s’installe sans dommage dans un ordinateur et que les mises à jour s’opèrent sans trop ralentir le système, il n’en va pas de même du vaccin car le sérum est une atteinte à l’intégrité de l’organisme. De la réaction de celui-ci dépend l’efficacité de la vaccination. On comprend tout ce que ça peut déclencher dans l’imaginaire d’un esprit qui doute et ne fait plus confiance à son institution sanitaire.

Dans la série Dark Angel, une trentaine d’enfants génétiquement modifiés, dotés de facultés physiques et intellectuelles surhumaines, tentent de s’échapper d’un complexe militaire visant à produire des super-soldats. Joshua, mi-homme mi-chien, n’a pas eu autant de chance que Max qui a de l’ADN de panthère en elle et une moto très puissante.

Alors que la loi sur la bio-éthique est récemment passée à l’Assemblée nationale dans une discrétion inquiétante, les manipulations génétiques et le transhumanisme sont pourtant toujours prompts à soulever l’intérêt des foules. Loin d’être passé aux oubliettes des libraires, Le Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley continue à éveiller les consciences des jeunes lecteurs à propos de l’eugénisme. Il y a quelques années déjà, la série Dark Angel renouvelait le thème de l’Ile du Docteur Moreau de H.G. Wells. Entre crainte et fascination, le grand public se montre assez circonspect quant à ces pratiques hautement techniques dont l’expérimentation se poursuit pourtant peut-être hors d’un cadre éthique qui a néanmoins été élargi lors de ce vote. Louis Fouché met en garde contre la dangerosité de telles pratiques sans un contrôle éthique et juridique très strict. L’hubris pourrait bien rencontrer sa Nemesis. Un retour de la morale (au sens où nous l’entendons au plan IV) dans la sphère technique ainsi qu’un débat législatif médiatisé sur ces questions parait souhaitable.

Alors que l’étanchéité des strates sociales augmente verticalement (l’ascenseur social est en panne), la perméabilité des différents secteurs d’activité se fait plus forte sur un plan plus horizontal: les médecins reçoivent de l’argent des laboratoires qui financent et orientent les recherches, le monde médico-scientifique est donc en relation avec l’économique. 

Les laboratoires médicaux sont sur la sellette.

Des collusions entre le politique, les médias, la finance et l’administration médicale sont régulièrement révélées, parfois au travers de scandales. Bill Gates ou Warren Buffet financent l’OMS. Zuckerberg et Black Rock sont reçus à l’Élysée comme des chefs d’État. Macron rend visite à Raoult qui est soutenu par Estrosi et Muselier. L’ancienne ministre Buzyn est l’épouse du directeur de l’INSERM. La Commission européenne servirait les intérêts de Gilead à travers le Remdesivir dont l’efficacité est sérieusement mise en doute. Les sphères privé/public mais également les divers milieux socio-professionnels supérieurs sont devenus perméables : le trafic y est même devenu assez intense. L’indépendance des pouvoirs en France relève de l’histoire ancienne. Cette instabilité institutionnelle (instable comme une solution dont les réactions sont peu prévisibles) met le doute dans les esprits. Les différentes parties du pouvoir et du savoir n’apparaissent plus comme autonomes et leur intégrité se heurtent aux conflits d’intérêt et aux pressions. Pas besoin d’être paranoïaque pour flairer le trafic d’influences, à tort ou à raison je le rappelle, ce n’est pas notre but de trancher ces affaires ici. 

Quand les grands capitalistes de ce monde se retrouvent, ce n’est sans doute pas pour échanger des timbres et parler de pêche à la mouche. Est-il abusif d’imaginer qu’ils s’entendent sur une gouvernance mondiale pour servir leurs intérêts?

Moins l’observateur lambda arrive à saisir l’organisation des sphères de pouvoir et d’influence au-dessus de lui car les milieux décisionnaires lui paraissent aussi consanguins qu’incestueux, plus il estime que son espace souverain et privé se réduit, que son autonomie de décision diminue et que ses intérêts passent après le profit des grands groupes et de leurs actionnaires, ce qui finalement le fait douter de l’équité et de la justice du système. De là, à faire le pas vers le complotisme…

Comme il est demandé à l’entourage du paranoïaque de ne pas laisser échapper des sous-entendus qui pourrait prêter à confusion et enclencher la logique pathogène, la société française va devoir sérieusement revoir sa division des compétences et le partage du pouvoir si on ne veut pas voir éclore des guérisseurs autoproclamés et des orateurs populistes tout aussi légitimes que les oligarques qui entretiennent la confusion dans le secret de négociations de couloirs (sens originel de lobby). On ne fera d’ailleurs peut-être pas l’économie d’une révolution tant, en hauts lieux, les #ministères sont poreux. De l’étanchéité des parties dépend la flottaison du bâtiment et une remise à flot passe, à mon avis, par la cale-sèche et une révision radicale.

Tout le reste est lutte des classes ! A la revoyure !

Pour aller plus loin sur la gauche, voici un article plein d’infos intéressantes sur Wikirouge.

Une lectrice facétieuse m’a récemment proposé ce lien qui corrobore bon nombre des thèses exposées dans ces trois chapitres relatifs au complotisme.

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