P61 – Mon type à moi

J’avais une amie qui ne pouvait prendre pour amant qu’un homme couvert de poils et qui n’attachait qu’une importance très relative à la qualité de ses érections ni même à la beauté de sa plastique. Seule la pilosité semblait compter à ses yeux et surtout sous ses caresses. Nous en sommes restés au stade de l’amitié car je n’étais pas « son genre ». Ne peut-on envisager comme une forme légère de fétichisme cette fixation sur un certain nombre de détails physiques sine qua non?

Les troubles de la Personne : le fétichisme P61

Kim

Alfred Hitchcock avait la passion des actrices blondes, et même d’un type de blondes assez particulier : bourgeoises, élancées, élégantes, mystérieuses, glaciales et inaccessibles en apparence, mais de braises et sulfureuses en leur for intérieur, un caractère qui se matérialisait pour lui dans des cheveux mi-longs d’un blond platine bien coiffés. C’est un cliché de la civilisation anglo-saxonne des années 30 à 70, les femmes blondes étant plus rares et plus « cotées ». Preuve en est aujourd’hui encore l’usage de la teinture : les brunes qui se décolorent ne se comptent plus alors que les blondes trans-couleur font figure d’exception. Elles sont même tentées d’encore se blondir quand le crin vient à grisonner. 

« Qu’est-ce qui me dicte le choix d’actrices blondes et sophistiquées ?, avoue Hitchcock dans des entretiens avec François Truffaut, nous cherchons des femmes du monde, de vraies dames qui deviendront des putains dans la chambre à coucher. » Ses propos n’’engagent que lui mais la blondeur n’est donc pas sans signification pour le cinéaste : comme pour nombre d’hommes de son époque, elle fait partie des emblèmes d’un archétype féminin qu’il affectionne jusqu’à l’obsession. Resterait ensuite à savoir dans quelle mesure, Hitchcock s’éprenait vraiment de ses actrices… ou s’entichait d’elles en fonction de son fétichisme. 

Eva Marie

Je suis assez porté à penser que le réalisateur britannique qui feignait d’adopter un cynisme misogyne carabiné, manipulateur et quasi sadique, était mû par une irrépressible nécessité de s’accaparer leur blondeur. Parfois tenté de passer à l’acte comme l’atteste les divers témoignages des actrices qui n’ont toutefois pas eu recours à #metoo, l’auteur de Psychose se contentera de fixer son fétiche sur la pellicule tout en menant une vie conjugale qui sans trop de relief ni de passion avec une épouse bourrée de talent, intellectuelle, spirituelle, discrète, petite et… rousse, avec laquelle il a eu une fille. Hitchcock se prétendait volontiers impuissant mais se montrait carrément dominateur avec ses « blondes », n’acceptant d’elles que la féminité très ambivalente qu’il leur demandait d’incarner à l’écran. Il supportait, semble-t-il, assez mal qu’elles puissent avoir une personnalité qui échappe à son contrôle, au moins pendant les tournages.

Sois blonde et tais-toi !

Grand Budapest Hotel où tous les goûts sont dans la coiffure…

A en croire les magazines dits « féminins » dont je fais mes choux gras depuis quelques temps déjà, le type d’homme (et par conséquent le genre de femme) existerait. Magamour propose même d’avoir recours à des tests et des « experts » pour dresser le portrait idéal de celui ou celle avec qui avoir une relation durable. Les « experts » se gardent d’évoquer le grand amour et de parler de liaison à durée limitée avec un Autre sans grandes surprises si ce n’est celle de correspondre aux desiderata : couleurs d’yeux, de cheveux, taille et affinités. Avec bien évidemment, mais on y reviendra, le type ethnique en première position.

Quand on entend dire, « c’est mon genre de nana » ou « ce n’est pas mon type de mec », n’a-t-on pas justement affaire à une sorte de « petit fétichisme » avec une fixette sur un point bien particulier du tableau? Moins radical parce qu’encore relié au corps de l’Autre, il aboutirait à l’élection d’un partenaire sur la base de quelques statuts bien spécifiques, voire d’un seul tout à fait caractéristique : Elvis Presley raffolait des groupies aux petits petons et René Descartes était fasciné par les femmes à strabisme suite à un premier amour des plus louches. Pour autant, rien n’atteste dans leur comportement sexuel, qu’Elvis se contentait de baiser de belles plantes de pieds et que René ne s’en tenait qu’à l’oeil. 

Ces cas limites me semblent témoigner d’une tendance chez certains individus à privilégier des détails physiques très distinctifs chez les sujets susceptibles de devenir l’objet d’un partage physique et par conséquent d’une appropriation momentanée, voire plus longue si couple et accouplement coïncident durablement. 

Si Mélanie Laurent a sans aucun doute un profil hitchcockien, Alfred n’avait quant à lui aucune chance avec l’actrice.

L’actrice Mélanie Laurent qui n’a pourtant que l’embarras du choix reconnait n’être attirée que par « des hommes maigres qui ne font pas de sport ». A sa manière de pouffer nerveusement lorsqu’elle annonce ce « détail » à l’intervieweuse, on comprend le caractère incongru de cet aveu de la comédienne : ce faisant, elle déroge en effet à un standard de la presse glamour. C’est bien connu, les femmes aiment les hommes grands, musclés, sportifs et romantiques, ceux justement qu’on nous vend dans les magazines.

Ces « coming out » de stars ne sont pas si fréquents chez les célébrités car elles pressentent sans doute le caractère impudique et dérangeant de telles déclarations si elles sont sincères : en cas de retour sur le « marché de l’amour », ces déballages publics peuvent se retourner contre ceux qui les font. En revanche, les chats et les forums regorgent de conversations où se livrent les préférences, non pas uniquement « sexuelles », qui puisent leurs raisons dans l’ordre du désir, mais d’un registre qui mélange le physique et le #statut et qui se rapproche de ce qui nous intéresse ici. 

Ah, Monsieur Gustave…

Dans le cas de Mélanie Laurent, l’emblème retenu n’est pas un attribut de virilité qui recèlerait une promesse de jouissance. Si l’image de l’étalon attire un certain nombre de femmes, c’est physiologiquement compréhensible. On pense rarement à Alfred Hitchcock pour s’assurer des orgasmes à répétition, encore moins pour perpétuer l’espèce. Les gros seins et les fesses musclées, les charpentes osseuses robustes et les hanches plantureuses  relèvent du même ordre de critères finalement naturels. Mais lorsque la préférence marquée, voire exclusive, se porte sur des « attraits malsains », au sens étymologique du terme « pas en bonne santé », on peut se poser la question de leur origine. La gérontophilie, par exemple, participe-t-elle ainsi d’un fétichisme de la ride et du tissu relâché, eux-mêmes emblèmes d’autre chose que de la simple vieillesse et de la décrépitude physique, à condition de ne pas la confondre avec l’abus de pouvoir sur personne faible? Rappelez-vous de cette kleptomane qui volait de l’argent en souvenir d’un oncle aussi désiré que fortuné…

Le fétichiste croit être attiré par l’emblème mais c’est le statut dont il est porteur qui le magnétise. Cette illusion dialectique l’empêche de comprendre sa condition de pervers et le véritable objet de sa quête. Derrière le fétiche, se dissimule une rigidification sélective de l’identité structurale. Tout comme l’analyse ethnique échappe à notre conscience, le statut emblématisé ne se manifeste pas d’emblée au fétichiste qui ne retrouve le chemin de l’étymon (source du phénomène) que lors d’une démarche analytique, plus ou moins spontanée. 

Viktoria Modesta a préféré l’amputation à la claudication.

Dans son observation 77, Richard von Krafft-Ebing décrit le cas d’un ingénieur polonais irrésistiblement attiré par les femmes boiteuses : « La femme normale n’a pour lui aucun charme ; seule l’intéresse la femme boiteuse, avec des pieds-bots ou des pieds défectueux. Quand une femme est atteinte d’une pareille défectuosité, elle exerce sur lui un puissant charme sensuel, qu’elle soit belle ou laide. » Du coup, sa vie sexuelle et sentimentale est fortement perturbée par cette fixation. Difficile de deviner à quel statut correspondrait cette difformité qui va à l’encontre d’une podophilie plus classique puisqu’on entre dans le domaine de l’attraction pour la difformité, ce qu’on nomme la dysmorphophilie. La claudication est universellement considérée comme un handicap et aucune civilisation, à ma connaissance, ne la revendique comme un atout. Le patient 77 vit mal sa paraphilie parce que justement il en ressent, au coeur d’une société normative aux parangons « classiques », tout le contenu « monstrueux ».

Cet aspect de la question m’amène à un petit détour par la tératologie, autrement dit l’étude de la monstruosité. Le monstre sort du standard social. Or ce dernier est par définition arbitraire et contingent. L’obésité par exemple n’a pas le même statut dans toutes les sociétés. Telle tribu d’éleveurs africains valorise le surpoids chez les hommes. Le gavage des filles nubiles reste une pratique courante en Mauritanie où associé à la fertilité, ce poids, excessif selon nos canons, plait aux hommes indigènes.

Quand l’embonpoint est un bon point…

Jadis, un bedaine fort rebondie pour les notables russes attestait de l’opulence tout comme de bons poignets d’amour pour les femmes indiennes étaient des attributs de richesse, témoins charnus d’une alimentation abondante qu’elles laissaient volontiers apparaitre. Pour des raisons historiques mais aussi sanitaires, l’obésité n’a plus aussi bonne presse en Occident où la minceur et la sportivité ont pris l’ascendant. Pourtant, le critère bien en chair reste pour certains l’emblème d’un statut de confort. Je tiens de première main le témoignage d’une jolie femme qui trouvait au « petit bedon » un caractère « rassurant ». Là, encore, nous n’en sommes restés qu’au stade de l’amitié. Les « fat admirers » ou grossophiles (lipophiles serait étymologiquement plus juste) ne sont par conséquent pas assimilés aux paraphiles, la borne de l’anormalité du poids étant difficile à établir. Ce qui nous importe, c’est que ce type existe et les Américains leur ont donné des titres : les femmes sont appelées des big beautiful woman (BBW) et les hommes des big handsome man (BHM). Outre-Atlantique, les réseaux sociaux y ont même favorisé l’émergence de nouveaux canons de beauté, supportés par des mannequins XXL ou des personnes qui assument pleinement leurs rondeurs. Les sondages du type « les hommes préfèrent-ils les rondes? » montrent que sur ce point, les Français sont partagés et surtout que la catégorie socio-professionnelle et la fortune jouent un rôle important dans le critère poids, celui-ci étant inversement proportionnel aux revenus. Rien de surprenant finalement que le canon pondéral soit sociologiquement déterminé. Mais peut-on tirer une conclusion du fait que les CSP+ (hauts revenus) soient plus attirés vers les femmes minces? Que les créateurs en haute couture ne recrutent que des échalas déhanchés? A quoi peut bien correspondre cet emblème (si c’en est un) au niveau de l’identité ethnique?

Nous avons déjà évoqué le cas des sept soeurs Sutherland qui ont passé leur vie à peigner la girafe sous le chapiteau du cirque barnum.

La même question peut se poser pour la tricophilie (attirance pour les cheveux et les poils), la maieusophilie (pour les femmes enceintes) ou l’acrotomophilie (pour les personnes amputées). La psychiatrie a montré qu’en la matière, l’histoire de chaque individu était déterminante même si l’environnement social comptait lui aussi.

Mais ce qui finalement nous importe, c’est que ces tendances portent des noms, ce qui atteste qu’elles sont notables. Dans notre grande majorité, nous serions donc attirés par d’éventuels partenaires répondant à des critères spécifiques. Autrement dit, des caractéristiques physiques retiendraient notre attention, peut-être à notre insu, mais allant parfois jusqu’à déterminer notre ou nos partenaire(s). Selon la société dans laquelle on évolue, cette préférence sera plus ou moins notable mais il y a fort à parier que l’exobiophilie, l’attirance sexuelle pour les extraterrestres, ne passe nulle part inaperçue. Cette dernière ne peut être confondue avec la xénophilie, attrait pour l’étranger, l’ethniquement différent, le culturellement autre. Alors qu’elle a pu par le passé être considérée comme une déviance par certaines civilisations très endogènes, la xénophilie fait, à l’heure des Droits de l’Homme et du cosmopolitisme, plutôt figure d’ouverture d’esprit. Cela dit, l’obsession pour un type racial particulier me semble relever de la même problématique (je n’ai pas écrit problème) que celle de la couleur des cheveux ou de la calvitie, de la plastique ou de n’importe quel autre détail physique derrière lequel se cache finalement une identité plus abstraite qu’il n’y parait.

Des stéréotypes sociaux sont en effet attachés à ces attributs physiques tout comme la féminité est liée au talon aiguille dans nos sociétés. Les hommes noirs jouissent d’une réputation d’étalon bien monté et sauvage quand les japonaises sont réputées pour la délicatesse de leur peau et l’étroitesse de leur vagin. Des clichés sont ainsi projetés sur les autres ethnies et entretiennent probablement la dérive fétichiste. Encore une fois, et rassurez-vous, si vous partagez la vie d’un Indien et que vous êtes rousse, cela ne fait pas de vous une fétichiste patentée. 

La tâche de rousseur ne tient du fétiche que si elle vire à l’obsession. Marlène, je suis joignable en MP…

C’est sans doute fortuit cette différence car l’amour justement, c’est l’acceptation que la totalité des statuts du partenaire se réinvestissent dans des états différents qu’on va être amené à côtoyer en dehors des moments de désir. L’amour, c’est le renoncement à l’exclusivité d’un statut au profit d’une foultitude de détails et d’emblèmes fédérés dans un état, les états se succédant au cours d’une vie partagée. Une peau basanée ou des tâches de rousseurs compte normalement peu dans la relation. S’y attacher peut être une conséquence de l’amour mais lorsque ces caractéristiques sont la cause de la liaison et si vous découvrez que votre maitresse ou votre amant n’en est pas à son coup d’essai avec votre type physique, il peut y avoir lieu de s’inquiéter un peu.

Le grand fétichisme ne laisse pas sa place à l’amour parce que le pervers ne renonce pas à cette sélection instituante et qu’en dehors du fétiche, il refuse en quelque sorte la quasi-intégralité de l’Autre qui, en tant qu’anthropien, comporte obligatoirement une part animale qu’il rejète. En refusant obstinément la bestialité chez l’Autre, le fétichiste rend la relation ordinaire délicate et fausse la fréquentation régulière : le ou la partenaire ne peut qu’être amené à décevoir le pervers en dehors des séances de pratique dédiées. En retour, comment entretenir une relation durable quand on sait que la personne que vous regardez dans les yeux en pince pour vos orteils, ne jure que par la pelisse de renard qu’il vous faut porter autour du cou ou ne vous voit vraiment que lorsqu’on ne vous voit justement plus dans votre zentaï. L’amour ne peut faire l’impasse sur l’essentiel de notre être. On est à prendre en l’état et même à la faveur d’un malentendu, les yeux de Chimène ne peuvent éternellement louchés sur le fétiche. C’est peut-être ce qui insupportait Hitchcock, ce mauvais penchant des femmes dont il fétichisait la chevelure à ne pas répondre à ses attentes, c’est à dire à n’être que l’emblème de son idéal féminin si ambigu. 

Le collecteur d’accessoires coupe court à toute déconvenue de ce type, une fois le fétiche en sa possession, ce qui n’est pas le cas de celui dont la perversion réclame une figuration plus ou moins active de l’Autre et doit toujours composer avec sa pudeur, son sens de la propriété et sa sensibilité. Aussi le fétichiste se garde-t-il de dévoiler trop crûment ses intentions à moins d’avoir recours à la violence et au vol comme les coupeurs de nattes.

Le racisme est à la base du fétichisme ethnique en ce qu’il est réducteur. Il consiste à ne voir en l’autre que son statut racial, quitte à fantasmer dessus.

Le xénophile qui est a priori un petit fétichiste ne récuse pas la partie coïtale de l’aventure. Bien au contraire, le corps entier de l’Autre, sa couleur de peau, la nature de ses cheveux, la couleur de ses yeux, bref son type l’attire et le porte à le désirer charnellement et intégralement. En apparence, la liaison peut bien se présenter mais la réification sous-jacente du statut exotique, quelqu’en soit la véritable identité ethnique, peut être un obstacle à l’acceptation de la Personne dans l’entièreté (ou presque) de ses statuts, réinvestis dans une variété de situations. Autrement formulé, l’Autre est plus un objet, un fétiche, un sujet réifié dans lequel seul le type racial intéresse vraiment le fétichiste. 

« Tout le monde veut te marier. Tout le monde veut ton numéro de téléphone. Tout le monde veut sortir avec toi. Tout le monde te drague. Il n’y a pas de critère : que tu sois belle, grosse, avec de l’acné, mince, moyenne, courte, n’importe quoi ; tu fais sensation si tu es blanche en Afrique. Alors oui, j’étais très sollicitée par toutes sortes de gars, de toutes sortes de milieux »  Ceci est le témoignage d’Anne, une Canadienne âgée de 24 ans lors de son stage de coopération internationale au Burkina Faso, qui s’est depuis mariée à un Burkinabé immigré au Canada. Difficile dans ces conditions de savoir ce que l’Autre recherche en soi. La méfiance est de mise pour les femmes ainsi fétichisées, d’autant qu’il y a un intérêt économique à la clef dans cette sorte de rapport nord-sud.

« La Yellow Fever n’est rien d’autre qu’un fétichisme raciste »

L’exotisme cochinchinois fit fureur en cartes postales.

Cette affirmation de Clément Pouré pour Vice confirme ce que je disais plus haut. C’est Robin Zhen, professeure à l’université de Yale, qui a développé cette idée dans un essai intitulé « Pourquoi la fièvre jaune n’est pas flatteuse : un argumentaire contre les fétiches raciaux ». Les femmes asiatiques en occident n’ont pas à être flattées d’être des objets de désir de la part d’un certain nombre d’hommes blancs car cet intérêt n’est pas dû à leur Personne ni même à leur physique mais bien aux stéréotypes que l’Histoire (celle écrite par les occidentaux) a collé sur la femme asiatique. Sensuelle, douce, soumise, douée au lit, prostituée, la colonisation véhicule avec elle des images d’Épinal-sur-Mékong qui ont la vie dure. Les témoignages des femmes asiatiques vont d’une manière générale dans le même sens : l’attention particulière qui leur est portée la rend suspecte à leurs yeux sur le véritable intérêt qu’elles représentent pour leur partenaire non-asiatique. « Dès que tu rencontres un nouveau copain, tu vérifies forcément qu’il n’était pas avec une Asiat’ avant », confie Grace Ly, 38 ans, blogueuse et militante asian-féministe. J’en reviens donc à ce que je disais plus haut sur l’interchangeabilité des partenaires pourvu que ses origines ethniques restent contantes. C’est en tant que membre d’un groupe ethnique déterminé que la femme fétichisée va être désirée.

L’imaginaire occidental autour des geishas n’est pas près de s’éteindre.

« Je ne sors qu’avec des Asiatiques. Essentiellement des Coréennes, des Chinoises, des Japonaises. Je ne m’en vante pas. On essaie d’être dans la vérité et dans la franchise. Beaucoup de gens seraient incapables de vous l’avouer car c’est du racialisme. C’est peut-être triste et réducteur pour les femmes avec qui je sors, mais le genre asiatique est suffisamment riche, large et infini pour que je n’en aie pas honte. » Cet aveu sort de la bouche de Yann Moix, écrivain et chroniqueur, doué pour soulever la polémique, ce qu’il n’a pas manqué de faire avec cette révélation. Mais Moix s’en tient-il aux clichés racistes de base? L’Internationale des poétesses féministes myopes en voudrait-elles autant à un homme qui ne sortirait qu’avec des femmes à lunettes amatrices de rimes faciles? 

Ce que nous retiendrons, c’est que cette attirance impérieuse pour un type racial particulier qui semble opérer entre toutes les ethnies tend à « dénaturer » la liaison. Celle-ci ne s’établit pas entre deux êtres qui se donnent l’illusion (Spinoza, sors de cette pièce, tu veux!?) de s’être choisis parmi tant d’autres sur des critères qui tant qu’ils restent indéterminés entretiennent l’aura mystérieuse dont se nourrit la passion éternelle. Si en revanche, vous découvrez que vous avez été élu(e) sur un détail de votre anatomie qui n’est en fait que l’emblème d’un unique statut sur tout le panel que vous pensiez pouvoir offrir, effectivement ça tue l’amour. Vous espériez que la singularité de votre Personne vous rendait désirable et vous tombez sur un ou une obsédé(e) qui vous a sélectionné(e) uniquement parce que vous n’avez pas les deux yeux dans le même axe ou que vous avez un pied bot, les mains douces ou la peau cuivrée sur les fesses et, qui plus est, risque bien de vous larguer pour un ou une autre partenaire dès qu’elle ou il en aura l’occasion… car ne l’oublions pas, le fétichiste, grand ou petit, ne contrôle pas l’impérieuse nécessité qui détermine sa politique d’appartenance. Bref la  vie avec un fétichiste n’est pas de tout repos affectif. Nous l’avions déjà observé dans des cas de grand fétichisme. Ce constat se confirme avec des personnes attirées par un type particulier.

Mais alors que le grand fétichisme évacue autant que possible la sexualité de la relation par le stratagème de l’objet fétiche ou de la partie du corps fétichisée, le petit fétichisme se dissimule sous un choix exclusif de partenaires sexuel(le)s qui peut faire illusion, tant que le lien, c’est à dire le statut commun, entre partenaires successifs ne peut être établi formellement par le nouvel amant qui pourrait s’en formaliser par qu’il se sentirait le dernier (momentanément) d’une série qui ne s’arrêterait probablement pas avec lui. J’ai laissé tombé le double accord car je n’en pouvais plus de l’écriture inclusive.

L’objectivation du choix et par conséquent la chosification de la personne fétichisée ne peut qu’entrainer la désillusion chez cette dernière. La déconvenue sera d’autant plus cruelle qu’un critère racial est en jeu puisqu’il fait intervenir une Histoire qu’on ne maitrise pas et qu’on n’a pas forcément envie d’assumer non plus. Personnellement, je ne me vois pas finir mes jours avec une femme dont je découvrirai la passion fétichiste pour mes origines bretonnes et qui n’atteindrait l’orgasme qu’au son de la bombarde et des mouettes, ivre de chouchen et luisante de beurre salé, debout contre un poster géant du phare d’Ar-Men en pleine tempête.

Tout le reste est littérature! A la revoyure! 

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