P44 – Sade ou les revers de la perversion

Gilles de Rais est souvent passé à l’acte et fut exécuté à 36 ans. Le marquis de Sade fut, de son côté, assez tôt mis hors d’état de nuire et vécut jusqu’à 74 ans, non sans toutefois être inquiété par la justice, pas autant pour ce qu’il fit mais plutôt pour ce qu’il rêva de faire.

Les troubles de la Personne : le sadomasochisme P44

Si Gilles de Rais passe pour un véritable boucher, Donatien Alphonse François de Sade jouit d’une certaine clémence dans les milieux intellectuels parisiens depuis le début du XXème siècle. Au XIXème, quelques rares esprits en font l’éloge mais il trouvera toujours des admirateurs dans les cercles littéraires. Un prix porte même son nom. Le divin marquis sent le soufre, ce qui fait oublier à certains la douleur de ses victimes.

Un petit air de Philippe Val, non?

Mais Sade ne s’est pas contenté d’écrire des romans libertins ; il est passé à l’acte à plusieurs reprises, se servant notamment d’un canif pour taillader et « déchiqueter » ses victimes. En dehors des sévices particulièrement douloureux, Sade contraint ses victimes à supporter des blasphèmes et des impiétés. Les deux rapports de police sont en annexe. Sade semble se livrer à des expériences préméditées. Les séances ne sont pas improvisées dans le feu de l’action mais font l’objet d’une planification. Avec la première victime, Sade teste un onguent réparateur (cire chaude?) avant de renouveler la séance de torture, passant du fouet au couteau. On ne peut toutefois pas voir dans cette démarche systématique un simple déferlement de violence incontrôlée. Bien au contraire : la cruauté, quoiqu’impérieuse, est étrangement rationnelle. Après avoir malmené sa victime, Sade la « répare » (sur le plan cutané en tous cas) pour mieux remettre ça. Par chance, la femme séquestrée pourra s’échapper. On ne peut s’empêcher de faire le rapprochement entre cette manière de faire et les pratiques de certains bourreaux passés maitres dans l’art de faire « mourir à petit feu », l’idée étant pour ces derniers souvent de faire parler, mais aussi de réduire l’autre à l’état d’objet expérimental. Le matricule tatoué, la tonte, la désinfection et l’uniforme que les SS infligeaient aux déportés étaient destinés à les priver de leur dignité et à les déshumaniser.

On a pas tous été enfants de choeur…

L’aversion de Sade pour la religion catholique lui a sans doute suggéré les pratiques impies qu’il impose à ses partenaires. Cette atteinte à la foi participe de la même stratégie de contrainte : la souffrance morale prend alors le pas sur la douleur infligée, ou en est en tous cas une variante. Les quatre siècles qui séparent Gilles de Rais et Sade ont fait passer la France d’une période troublée et violente avec une royauté naissante à une monarchie absolue avec un État fort qui réserve la violence à l’application de la Loi. Le bourreau de Tiffauges ne sera inquiété qu’après plusieurs années quand Sade eut à rendre des comptes très rapidement, l’opinion publique ne supportant plus les débordements impunis de la noblesse, d’autant que Sade récidive avec une affaire de viol et de sodomie sous aphrodisiaque.

Justine ou la roue de l’infortune

La famille de Sade lui évitera pour un temps la prison mais le marquis sera plus lourdement condamné pour des coups de canifs sur des servantes mineures. Le sadique passe donc à l’acte malgré la sentence qui pèse sur lui. La Loi ne peut contraindre le pervers qui l’outrepasse malgré la lourde peine encourue : elle n’a en fait guère de prise sur la rage impérieuse (les victimes parlent de « fureur ») qui s’empare parfois de lui. Le concept de trouble fusionnel implique même que le sadique recherche la Loi dont il n’a plus le principe en lui. La Loi doit être comprise ici comme le seuil entre ce qui se fait et ne se fait pas dans une société. Le sadique n’a de cesse de l’enfreindre pour la convoquer. La cruauté sur autrui est le moyen le plus direct de causer un préjudice et d’éprouver le cadre légal. Sans régulation intérieure spontanée, le sadique cherche donc des repères : dans cette logique, la douleur de sa victime est un indicateur. Si cette démarche vous échappe, rassurez-vous : c’est parce qu’elle est contre-intuitive qu’elle opère à l’insu du malade. En humiliant l’autre, il n’a bien évidemment pas la conscience d’opérer un acte de dégradation humaine où il se cherche lui-même. Tout au plus éprouvera-t-il un sentiment de domination jouissif qui comblera temporairement le vide qui mine son équilibre. En effet, ce qui compte dans notre position sociale, c’est avant tout le portion congrue, le sentiment d’être à sa juste place, apprécié pour ce qu’on sait faire et donc reconnu. Ni le sadique ni le masochiste n’ont cet apaisement intérieur qui rend la vie supportable.

Même derrière les barreaux, Sade se prend la tête avec tout le monde, les autres prisonniers comme Mirabeau, ou sa famille avec des lettres ordurières à sa belle-mère et même à sa femme qui lui est pourtant entièrement dévouée. A ces menaces verbales, Sade joint la violence physique dès qu’il le peut. Ce qui alimente cette fureur, c’est le sentiment d’injustice. Sade ne reconnait pas sa faute et surtout il fait porter à autrui la responsabilité de son incarcération. On le sait notamment par sa correspondance de Vincennes et de la Bastille. « Ma façon de penser, dites-vous (il s’adresse à son épouse), ne peut être approuvée. Eh, que m’importe ! Bien fou est celui qui adopte une façon de penser pour les autres ! Ma façon de penser est le fruit de mes réflexions ; elle tient à mon existence, à mon organisation. Je ne suis pas le maître de la changer ; je le serais, que je ne le ferais pas. Cette façon de penser que vous blâmez fait l’unique consolation de ma vie ; elle allège toutes mes peines en prison et j’y tiens plus qu’à la vie. Ce n’est point ma façon de penser qui a fait mon malheur, c’est celle des autres.» Sade a donc raison contre tous. Il n’éprouve aucune compassion pour ses victimes et n’a prononcé aucun regret public. Il refuse l’autorité d’où qu’elle vienne : ni Dieu ni la société ne peuvent contraindre sa liberté de penser, même si son autonomie de mouvement est fortement réduite. Sade ne refuse pas de se soumettre à proprement parler : il se rend bien compte qu’il en est incapable.    Son être même le pousse à pervertir l’institution.

Et dire que les enfants ne sont pas couchés…

Autre exemple de son incapacité à se conformer à l’ordre social : en 1771, Sade est marié à une épouse qui lui consacre une bonne partie de sa vie et de son honneur, père de trois enfants. Il a une liaison passionnée avec sa jeune belle-soeur, une chanoinesse séculière (sorte de bonne-soeur en sursis) qu’il va faire basculer du côté des plaisirs de la chair jusqu’à s’enfuir avec lui en Italie. Pire encore, il va lui faire signer de son sang une lettre où elle jure « de ne jamais ni ne me marier, ni me donner à d’autres, de lui être fidèlement attachée, tant que le sang dont je me sers pour sceller ce serment coulera dans mes veines. Je lui fais le sacrifice de ma vie, de mon amour et de mes sentiments, avec la même ardeur que je lui ai fait celui de ma virginité. » Sade la soustrait donc à ses voeux (incomplets certes) envers Dieu, ce qui ne l’empêchera pas de la tromper. En fait, Sade trompe tout son monde continuellement : il ne peut respecter durablement aucun contrat et brise volontiers les serments. Cette rébellion perpétuelle contre l’institution ne manque pas de panache mais elle s’accompagne dans le sadisme d’une négation du partenaire car l’institution est aussi la garante du partenariat. Sade est constamment en rupture de ban : égaré dans l’Institué, sans borne ni balise, il n’a de cesse de chercher des repères par des actes illégaux qui le font bafouer la dignité d’autrui, quitte à voir la sienne nier de retour. Car c’est en respectant les règles qu’on s’assure une certaine reconnaissance. Le hors-la-loi ne peut légalement prétendre à la considération qu’il a ridiculisée : si on n’est plus à la loi du Talion (oeil pour oeil, dent pour dent) ou à la vendetta (vengeance codifiée), l’institution judiciaire (instance d’un État) quantifie l’outrage et le fait payer en temps (emprisonnement ou travaux d’intérêt général) ou en argent (dommages et intérêts).

De l’art de la poulie…

Une fois sa liberté de circulation retrouvée, Sade s’attaque à la religion (loi divine), un athéisme qui lui vaudra l’hostilité de Robespierre qui posera en réponse les bases de la laïcité. L’athéisme de Sade s’oppose à la liberté de culte et Sade confronte alors la loi raisonnée des hommes à l’autorité divine. En pleine révolution, il joue l’une contre l’autre avec un zèle suspect aux yeux de l’Incorruptible qui ne se laisse pas embobiner comme un certain nombre d’autres par une question finalement secondaire :  Sade sera à nouveau emprisonné.

Une fessée et au lit !

En mars 1791, une lettre de Sade à Reinaud, son avocat à Aix, annonce en ces termes la sortie prochaine de Justine : « On imprime actuellement un roman de moi, mais trop immoral pour être envoyé à un homme aussi pieux, aussi décent que vous. J’avais besoin d’argent, mon éditeur me le demandait bien poivré, et je lui ai fait capable d’empester le diable. On l’appelle Justine ou les Malheurs de la vertu. Brûlez-le et ne le lisez point s’il tombe entre vos mains : je le renie. » Curieuse manière de piéger par antiphrase et provocation celui avec qui la confiance doit être totale et étrange façon de signifier à l’autre qu’il ne faut accorder aucune valeur à sa propre parole. La fourberie chronique de Sade (en d’aitres termes, sa propension à se foutre de la gueule du monde) doit être imputée à l’absence chez lui d’une réelle considération de ce qu’est l’autre mais aussi de ce qu’il est lui-même. Parfois dans la toute-puissance, il se déconsidère aussitôt en agissant comme un vaurien. S’il a une haute image de lui, Sade n’a que faire de la bienséance et la malmène. S’il ne peut plus exécuter matériellement ses fantasmes, il les écrit dans des romans non seulement licencieux mais sulfureux. Sade aime faire peur, effrayer, révulser, écoeurer, c’est à dire exercer un pouvoir réducteur par sa seule plume : écrire l’horreur, c’est quelque part pousser l’autre dans ses retranchements, exciter sa curiosité pour mieux le soumettre.

Justine va faire scandale au-delà de la simple atteinte aux bonnes moeurs. C’est ainsi que la gazette L’Ami des Lois du 29 août 1799 écrit : « On assure que de Sade est mort. Le nom seul de cet infâme écrivain exhale une odeur cadavéreuse qui tue la vertu et inspire l’horreur : il est auteur de Justine ou les Malheurs de la vertu. Le cœur le plus dépravé, l’esprit le plus dégradé, l’imagination la plus bizarrement obscène ne peuvent rien inventer qui outrage autant la raison, la pudeur, l’humanité. » En fait, Sade ne va pas tarder à être à nouveau interné. Le préfet Dubois qui le surveille parle d’un « homme incorrigible dans un état perpétuel de démence libertine ». La police qui fouille régulièrement sa chambre tombe en 1807 sur un manuscrit de Les Journées de Florbelle, « dix volumes d’atrocités, de blasphèmes, de scélératesse, allant au-delà des horreurs de Justine et de Juliette », toujours selon Dubois. Sa jeune maitresse l’a cependant rejoint et vit dans une chambre voisine en se faisant passer pour sa fille naturelle.

L’enfermement n’aura pas raison de Sade.

Mieux encore : Sade va sympathiser avec le directeur de Charenton où est détenu l’auteur. Le premier croit aux vertus thérapeutiques du théâtre, le second en est passionné. Le directeur fait construire une sorte de théâtre dans l’asile d’aliénés. Sade compose des pièces, les fait jouer, dirige les répétitions, joue lui-même aux côtés de sa maitresse, avec des malades et des acteurs professionnels. Les pensionnaires de l’hôpital assistent aux représentations mais aussi des invités triés sur le volet : rapidement, les spectacles de Charenton deviennent à la mode. Si le directeur est sous l’emprise de Sade, le médecin-chef s’oppose à leur poursuite et réclame « la séquestration la plus sévère » pour le patient car il comprend bien le pouvoir manipulateur du pervers : non seulement celui-ci jouit d’une grande liberté à l’intérieur de l’établissement mais il a réussi à retourner la Loi en sa faveur : puisqu’on l’enferme, il fait venir son public dans sa prison. Le stratagème est génialement vicieux. Dubois ordonne son transfert, la famille de Sade intervient auprès du ministre Fouché qui cède. Son successeur resserre les boulons : « considérant que le sieur de Sade est atteint de la plus dangereuse des folies ; que ses communications avec les autres habitués de la maison offrent des dangers incalculables ; que ses écrits ne sont pas moins insensés que ses paroles et sa conduite, […] il sera placé dans un local entièrement séparé, de manière que toute communication lui soit interdite sous quelque prétexte que ce soit. On aura le plus grand soin de lui interdire tout usage de crayons, d’encre, de plumes et de papier. »   

Un album indispensade

La peur que Sade inspire fait elle-même partie de la relation sadique : le fait de ne pas pouvoir maitriser ses sentiments face à l’autre crée un déséquilibre qui corrompt la délégation de pouvoir. Par la crainte, le dominant s’impose totalement à son inférieur hiérarchique ou fragilise celui qui devrait être son supérieur. Par la perversion, le manipulateur peut retourner le rapport hiérarchique à son avantage. Emprisonné, Sade ne devrait plus être un citoyen influent : il le restera pourtant jusqu’à sa mort et même au-delà puisqu’il a donné son nom au sadisme par l’intermédiaire de Richard von Krafft-Ebing. Quand un groupe de cold wave de Manchester choisit par provocation de s’appeler « Joy Division » (nom des bordels nazis), cinq rennais choisissent « Marquis de Sade », sans doute avec la même intention.

Dans son testament, Sade qui toute sa vie à veiller à être publié pour passer à la postérité et donc prolonger la vie de sa Personne, fait une demande d’une perfidie bien à lui : « La fosse une fois recouverte, il sera semé dessus des glands, afin que par la suite le terrain de ladite fosse se trouvant regarni, et le taillis se retrouvant fourré comme il l’était auparavant, les traces de ma tombe disparaissent de dessus la surface de la terre, comme je me flatte que ma mémoire s’effacera de l’esprit des hommes. » Ironie perverse d’un auteur qui a tout fait pour qu’on ne l’oublie pas, même de son vivant, derrière les murs de la réclusion. 

« Dès la fin du XIX e siècle, Sade est surnommé le Divin Marquis, en référence au « divin Arétin », premier auteur érotique des temps modernes. Rien à voir avec le « Divin Enfant », bougre d’âne! »

En 1808, il écrit cependant dans Variétés philosophiques et littéraires : « Le désir d’immortalité est si enraciné dans le coeur humain, qu’il ne se masque bien souvent sous celui de la gloire et de la célébrité, lesquelles n’en sont pas même une ombre légère. Cet utile désir est même quelquefois si vif, que, par la plus inconcevable de toutes les contradictions, nous lui sacrifions jusqu’à notre propre vie, sans laquelle la gloire la plus éclatante et la renommée la plus étendue ne sont pourtant rien du tout. Qu’est-ce qui fait affronter à tant de gens la misère, la persécution, la douleur et la mort, sinon l’espérance de vivre dans la mémoire des hommes, et d’éterniser leur réputation ? L’homme mesure avec un secret effroi le cercle borné de ses jours; cependant il ne balance pas à en faire le sacrifice, pour un vain souvenir qu’il attend de la postérité, et que bien souvent elle lui refuse. Vivre, vivre toujours ! Tel est le voeu constant de son coeur. Sera-t-il accompli ? Je l’espère, il le sera. La meilleure partie de mon être ne périra point. Je vivrai ! » Il aura donc réussi son pari : survivre à sa mort. Par la voie de la mémoire monstrueuse, Gilles de Rais a également trouvé la vie éternelle qu’il cherchait dans l’alchimie (sans toutefois s’en faire une mission prodigieuse comme l’aurait fait un paraphrène). La Personne des deux grands sadiques a survécu à leur mort physique et sans doute au-delà de leurs espérances. Leurs egos respectifs s’en seraient-ils trouver gratifiés ? Sans doute. Mais c’est une bien maigre consolation posthume pour des vies orageuses sans félicité.

Tout le reste est littérature ! A la revoyure !

Pour entrer dans le détail :

Lettre de Madame du Deffand à Horace Walpole le 12 avril 1768 : « Un certain comte de Sade, neveu de l’abbé auteur de Pétrarque, rencontra, le mardi de Pâques, une femme grande et bien faite, âgée de trente ans, qui lui demanda l’aumône ; il lui fit beaucoup de questions, lui marqua de l’intérêt, lui proposa de la tirer de sa misère, et de la faire concierge d’une petite maison qu’il a auprès de Paris. Cette femme l’accepta. Il lui dit d’y venir le lendemain matin l’y trouver; elle y fut ; il la conduisit d’abord dans toutes les chambres de la maison, dans tous les coins et recoins, et puis il la mena dans le grenier ; arrivés là, il s’enferma avec elle, lui ordonna de se mettre toute nue ; elle résista à cette proposition, se jeta à ses pieds, lui dit qu’elle était une honnête femme ; il lui montra un pistolet qu’il tira de sa poche, et lui dit d’obéir, ce qu’elle fit sur-le-champ ; alors il lui lia les mains et la fustigea cruellement ; quand elle fut tout en sang, il tira un pot d’onguent de sa poche, en pansa les plaies, et la laissa ; je ne sais s’il la fit boire et manger, mais il ne la revit que le lendemain matin ; il examina ses plaies, et vit que l’onguent avait fait l’effet qu’il en attendait ; alors il prit un canif, et lui déchiqueta tout le corps ; il prit ensuite le même onguent, en couvrit toutes les blessures et s’en alla. Cette femme désespérée se démena de façon qu’elle rompit ses liens, et se jeta par la fenêtre qui donnait sur la rue ; on ne dit point qu’elle se soit blessée en tombant ; tout le peuple s’attroupa autour d’elle ; le lieutenant de police a été informé de ce fait ; on a arrêté M. de Sade ; il est, dit-on, dans le château de Saumur ; l’on ne sait pas ce que deviendra cette affaire, et si l’on se bornera à cette punition, ce qui pourrait bien être, parce qu’il appartient à des gens assez considérables et en crédit ; on dit que le motif de cette exécrable action était de faire l’expérience de son onguent. » C’est Sade qui a prétendu qu’il s’agissait d’un onguent mais une autre version prétend qu’il s’agit de cire chaude. Difficile par conséquent de conclure si Sade voulait aggraver la plaie ou la soigner. »

Un petit crochet par chez le dentiste ? 36 15 Justine.

Extraits de la déposition faite le 19 octobre 1763 devant un commissaire au Châtelet par une fille galante, Jeanne Testard, ouvrière en éventails :

« … il lui a d’abord demandé si elle avait de la religion, et si elle croyait en Dieu, en Jésus-Christ et en la Vierge ; à quoi elle a fait réponse qu’elle y croyait ; à quoi le particulier a répliqué par des injures et des blasphèmes horribles, en disant qu’il n’y avait point de Dieu, qu’il en avait fait l’épreuve, qu’il s’était manualisé jusqu’à pollution dans un calice qu’il avait eu pendant deux heures à sa disposition dans une chapelle, que J.-C. était un J… f… et la Vierge une B… Il a ajouté qu’il avait eu commerce avec une fille avec laquelle il avait été communier, qu’il avait pris les deux hosties, les avait mises dans la partie de cette fille, et qu’il l’avait vu charnellement, en disant : “Si tu es Dieu, venge toi” ; qu’ensuite il a proposé à la comparante de passer dans une pièce attenant lad. chambre en la prévenant qu’elle allait voir quelque chose d’extraordinaire ; qu’en y entrant elle a été frappée d’étonnement en voyant quatre poignées de verges et cinq martinets qui étaient suspendus à la muraille, et trois Christs d’ivoire sur leurs croix, deux autres Christs en estampes, attachés et disposés sur les murs avec un grand nombre de dessins et d’estampes représentant des nudités et des figures de la plus grande indécence ; que lui ayant fait examiner ces différents objets, il lui a dit qu’il fallait qu’elle le fouettât avec le martinet de fer après l’avoir fait rougir au feu, et qu’il la fouetterait ensuite avec celui des autres martinets qu’elle voudrait choisir ; qu’après cela, il a détaché deux des Christs d’ivoire, un desquels il a foulé aux pieds, et s’est manualisé sur l’autre jusqu’à pollution ; […] qu’il a même voulu exiger de la comparante qu’elle prît un lavement et le rendit sur le Christ ; […] que pendant la nuit que la comparante a passée avec lui, il lui a fait voir et lui a lu plusieurs pièces de vers remplies d’impiétés et totalement contraires à la religion ; […] qu’il a poussé l’impiété jusqu’à obliger la comparante à lui promettre qu’elle irait le trouver dimanche prochain pour se rendre ensemble à la paroisse de Saint-Médard y communier et prendre ensuite les deux hosties, dont il se propose de brûler l’une et de se servir de l’autre pour faire les mêmes impiétés et les profanations qu’il dit avoir faites avec la fille dont il lui avait parlé… »

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