S20 – Comment fonctionne un raisonnement

Petite pause pratique dans ce long développement sur le langage. On oppose très souvent mathématiques et français à l’école, matheux et littéraires à la fac, comptable et poète au cimetière. Mais tout vient toujours de la Grammaire qu’il faut bien comprendre comme capacité à produire de l’identité et de l’unité, du similaire et du complémentaire.

le plan du signe S20

Nous l’avons dit et nous le répéterons, les règles de #Grammaire sont abstraites : elles ne sont pas conditionnées par la conjoncture. L’accord du participe passé en français en est un exemple cuisant :

le participe passé s’accorde en genre et en nombre avec le complément d’objet direct lorsque celui-ci est placé devant l’auxiliaire avoir.

Rien ne sert de chercher à justifier la règle pour l’appliquer : elle ne répond à aucun raison sémantique.

Les règles de Grammaire sont en cela proches des règles mathématiques ou de certaines énigmes algébriques ou géométriques qui mettent en oeuvre les facultés logiques (différenciation, segmentation, catégorisation et ordination) comme le fait une proposition langagière.

A vos calculettes!!!

Soit l’énigme suivante dont les règles sont implicites mais décelables par le jeu de la comparaison, exercice spontané que font les enfants qui apprennent à parler.

Pour résoudre l’énigme, il faut formaliser consciemment ou inconsciemment ainsi les relations entre éléments : 

a * b = (ab)_(a+b)_(a-b), 

avec a ≥ b, a et b étant des entiers naturels. 

On est face au principe de la quatrième proportionnelle qu’on retrouve dans la proposition suivante : la vache est au veau (et à la génisse, ami(e) féministe !) ce que la jument est au… poulain (et à la pouliche, ami(e) végane !). La relation de complémentarité (génitrice  #  petits) résulte du maintien de l’identité (espèce) sur le #thème et le #prédicat. Le comparant ce que impose une relation de même type à la proposition (thème-prédicat) qui suit. Comme un rapport de similarité (génitrice) existe entre les vocables vache et jument, le quatrième élément est contraint par la première relation de complémentarité (génitrice  #  petit). On pourrait également avoir des propositions plus complexes de ce type :

La vache qui rit et sa fille Harrah

taureau + vache = veau

étalon + jument = …

C’est l’expérience et la connaissance que nous avons de la nature qui nous permettent de compléter l’équation de manière exacte. Cela vous évitera d’écrire… jumeau par exemple.

Dans l’énigme algébrique ci-dessus, seules les tables d’opération servent de référence. La règle « syntaxique » implicite que nous avons formalisée fait intervenir trois opérations dans un ordre précis. La relation entre les deux côtés de l’égalité répond à une nécessité interne aux chiffres sans que l’expérience de la réalité physique n’entre en ligne de compte. 

On peut donc définir l’analogie comme la reconduction d’une relation de complémentarité sur des éléments similaires (en relation d’identité partielle à l’intérieur d’un même champ lexical). Nous avions déjà évoqué en B8 le caractère heuristique de l’analogie. Mais ce qui nous intéresse ici, c’est son fondement grammatical : comment morphologie et syntaxe sont à l’oeuvre dans le raisonnement. 

MiniMoi et son grand frère

Le comblement du vide engendré par l’analogie (A est à A’ ce que B est à…?), c’est la déduction. Nous sommes donc au fondement de la méthode hypothético-déductive. Mais là où tout se joue, c’est dans la nature du comblement ou si on préfère de la réponse. Soit elle est dictée par la Grammaire et par conséquent de nature mythique. Soit elle se confronte à la réalité et tend alors vers la scientificité.

Dans l’énigme algébrique ci-dessus, le signe = peut être remplacé par donc. Les prémisses de la troisième équation sont 9 et 6, le flocon résume la règle (x,+,-) qui s’applique dans les deux premières et donc… 54153 est la réponse. Sans risque de me tromper, je peux même affirmer que dans l’ensemble des entiers naturels, ce sera exact pour peu que a ≥ b. La généralisation de la relation de complémentarité s’appelle l’induction. Elle est de nature mythique dans le sens où aucune expérience ne peut infirmer ce raisonnement puisqu’il ne peut être mis à l’épreuve d’un test valide. On restera dans l’ensemble des entiers naturels qui ne répond qu’à son propre décompte décimal.

De taureau + vache = veau et de étalon + jument = poulain, je vais déduire coq + poule = poussin, sanglier + laie = marcassin, série que je peux par induction étendre à tous les animaux sexués en une formule générique mâle + femelle = petit. Mais un détour par la réalité me permettra de corroborer mon affirmation. Je saisis « bébé musaraigne » dans mon moteur de recherche et je peux affirmer qu’un mâle musaraigne et une femelle musaraigne peuvent avoir des petites musaraignes mignonnes à croquer.

L’induction est la généralisation d’un raisonnement à l’ensemble d’une catégorie, la catégorie résultant je vous le rappelle de notre capacité à classer les êtres et les phénomènes. Dans celle des animaux sexués, cette thèse se confirmera même si je viens à découvrir de nouveaux spécimens que je ne connais pas.

L’exactitude de l’hypothèse ne dépend pas de l’analogie dont le deuxième versant doit ensuite être soumis au test de validation par observation ou expérimentation. La relation de similarité entre les deux thèmes réclame toutefois une identité partielle pour que l’analogie ait une chance de se conclure sur une piste intéressante.

Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage. (Jean Jaurès)

Voire carrément hors conjoncture :

La vaisselle est aux vaisseaux ce que la passerelle aux passereaux. (Marcel Ledrian)

L’analogie de Jaurès est sémantique quand celle de Ledrian est morphologique avec une logique dénuée de référence à une quelconque réalité à moins d’y mettre du sien.

Changeons de registre pour aborder le syllogisme. 

Soit la prémisse majeure : 

tous les capitalistes sont des ânes.

Cette proposition se compose d’un thème qui se situe à une étape intermédiaire du champ lexical et d’un prédicat. Thème et prédicat sont en relation de complémentarité. Exacte ou pas, cela ne change pas le bon fonctionnement du syllogisme.

Soit la prémisse mineure :

Bernard Arnault est un capitaliste

Contrairement à ce que la Grammaire porte à croire, Bernard Arnault est le prédicat, c’est à dire le nouvel élément apporté. Il est en relation de similarité inclusive avec le #pantonyme capitaliste.

Quant à la conclusion : donc Bernard Arnault est un âne.

Elle met en relation de complémentarité l’#idionyme Bernard Arnault avec le prédicat de la prémisse majeure.

Le syllogisme est un cas particulier d’analogie où les deux prédicats sont identiques. Pour s’en rendre compte présentons-le différemment :

Tous les capitalistes sont à la ânerie ce que le capitaliste Arnault est à l’ânerie.

Ce n’est pas vraiment transcendant, je sais : la propriété générale s’applique au cas particulier qui en retour valide partiellement la proposition générique.

Dit autrement, tous les animaux sexués ont des petits. L’âne et l’ânesse forment un cas particulier de couple d’animaux sexués et par conséquent, ils peuvent avoir un ânon (ou une ânette !)

C’est la relation de similarité qui agit entre les thèmes des prémisses : isonyme-isonyme (équivalents) dans l’analogie générale, elle est de type pantonyme-idionyme (en rapport d’inclusion) dans le syllogisme. Dans le syllogisme, la règle (proposition généralisante) est exprimée. 

Tous les fiscalistes font profiter leurs clients des faiblesses du système. Jean-Pascal est un fiscaliste. Amandine est sa cliente. Par conséquent, Jean-Pascal fait profiter Amandine des failles du système fiscal.

Dans l’analogie, la règle pourra être induite par multiplication des propositions.

L’impôt est à l’État ce que la cotisation est au trésorier, ce que le racket est au mafieux, ce que le loyer est au bailleur, ce que l’intérêt est au prêteur, ce que la rentrée d’argent est au collecteur de fonds. 

Tout le reste est plan comptable. A la revoyure !

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