M8 – La fée de l’analogie

La grande échelle est au pompier ce que l’élection est à l’avocat d’affaires. L’analogie crée des trous théoriques que l’expérience vient remplir… ou pas. Objet, trajet, sujet, projet. Si vous êtes lecteur de Fred Vargas, vous devez commencer à vous douter d’un truc. Ça colle trop bien, ça rime au poil, ça cache quelque chose. Qu’est-ce qu’on attend ensuite? Easyjet? Non, mais sans blague.

Qu’est-ce que la médiation? M8

Le tableau suivant (déjà vu dans le chapitre M6 – La bête et l’ange en quatre tranches) présente les fonctions naturelles, basiques et supérieures, et le parallélisme des processus saute aux yeux, d’autant que les pathologies associées y sont présentées pour bien faire comprendre que ce qui est avancé peut-être être validé par la clinique.

Nous entendons par clinique l’étude des troubles et non le soin à y apporter qu’est la thérapie. Je reviendrai sur la question de la clinique dans le chapitre suivant. La nosographie est la description et la classification méthodique des maladies. Désolé d’être un peu didactique mais je ne vais quand même pas prendre des gants à tous les coups !

Nous voilà rendus à un des points cruciaux et fascinants de la méthode de Jean Gagnepain : l’analogie.

L’analogie est à la base du raisonnement par induction. Tout le monde ou presque est capable de comprendre que A est à a, ce que B est à b, que le carré rouge est au carré bleu ce que le triangle rouge est au triangle bleu. C’est la quatrième proportionnelle de la règle de 3.

On retrouve le tableau à deux entrées des fonctions naturelles. C’est une méthode utilisée en science pour générer des hypothèses. J’ai déjà fait remarquer qu’une case reste vide: celle des troubles de la proprioception. On parle ici de syndrome de déficience posturale. Ces troubles existent bien mais aucun nom générique de leur a été attribués. Aproprioception ? Dysproprioception ? 

L’analogie crée donc des « trous » conceptuels que le chercheur va combler. Et ce procédé ne date pas d’hier.

En les observant, Benjamin Franklin constate que la foudre et l’étincelle électrique se ressemblent sur certains points importants, elles ont la même couleur aveuglante, dégage une odeur similaire et ont un comportement identique sur les corps organisés. Il sait également que l »étincelle électrique est attirée par les pointes. Franklin fait donc le raisonnement suivant : si la foudre est attirée par une pointe suffisamment grande et bien placée, on pourra émettre l’hypothèse que c’est un courant électrique.

Bien sûr, l’analogie est empiriquement faillible et ne constitue généralement qu’un protocole pour générer des propositions. La théorie de la médiation va toutefois plus loin grâce notamment à la déconstruction.

La sirène est à la queue de poisson ce que le gyrophare est au véhicule prioritaire.

Rien qu’en s’en tenant à ce que nous venons de voir dans les cinq chapitres précédents, nous remarquons des similarités phénoménales. L’idée de Gagnepain est finalement simple : si les fonctions supérieures de l’animal se ressemblent, c’est parce que le processus de gestaltisation est le même tandis que le contenu traité est différent. D’où des phénomènes extrêmement variés pour l’observateur au ras des pâquerettes. Il faut prendre du recul pour mettre à jour des points communs, les mettre en relation et ensuite établir des analogies de fonctionnement.

Observons une majorette et un CRS. Ils ne semblent pas fait l’un pour l’autre et pourtant… plus d’un point les rapproche : uniforme, discipline, vie publique intense, organisation centralisée, esprit de groupe, agilité, sportivité, résistance, conduite codifiée, protocole opérationnel strict, tradition, absence d’esprit critique.

La théorie de la médiation part du principe que tous les êtres vivants (plantes, animaux, anthropiens) répondent aux mêmes principes fondamentaux de fonctionnement. Les animaux se distinguent du règne végétal par la gestalt qui traite les quatre contenus (sensations, mouvements, individuation et affects). Tout n’est pas parfait dans le modèle mais cela donne une bonne base de travail avant d’aborder ce qui fait que l’anthropien se fait humain et quitte (pas définitivement mais relativement comme on le verra) le règne animal.

Le tort serait de prendre pour argent comptant ce qui n’est qu’une vaste hypothèse de recherche. Je suis pour ma part plutôt enclin à la consolider pour vous rallier à la cause de la théorie de la médiation. Je ne vous cacherai pas non plus que ça en fait chier plus d’un, cette méthode largement aussi contraignante que libératrice d’idées. L’analogie permet de couvrir tout le champ des sciences humaines et ça bouscule les habitudes. Pas mal de mandarins encroûtés dans leur savoir ont profité de l’extrême richesse des écrits épistémologiques de Gagnepain pour faire tomber sur lui une chape d’obscurantisme : on l’a parfois surnommé le « druide de Bretagne ». Le bonhomme n’est pas facile à lire, je le dis depuis le début, sa théorie ne simplifie rien de la complexité du fonctionnement de l’humain mais il a tracé des pistes qu’on ne peut ignorer. 

Pour ma part, j’aurai régulièrement recours à la comparaison, qui n’est pas raison mais analogie, à des fins pédagogiques. Que les zététiciens nous cherchent des crosses et des biais cognitifs ! Rien de plus normal  : ils sont là pour ça ! 

Tout le reste est littérature. A la revoyure !

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