P15 – Sur la piste d’Hubert Guyard

Les collaborateurs de Gagnepain ont cherché à traduire dans d’autres termes la présentation de la sociologie de la théorie de la médiation. Plus jeunes que lui, leurs références et leur manière de dire nous sont parfois plus contemporaines et du coup plus accessibles. Elles offrent en tous cas un autre vocabulaire à ronger.

sur la piste d’Hubert Guyard (1ère partie) P15

J’aimerais donc revenir sur l’exposé d’Hubert Guyard sur lequel je me suis déjà largement appuyé pour présenter le modèle de la Personne. Le sens de la formule de ce chercheur est saisissant, non pas qu’il invente des termes mais parce qu’il les agence en formules élégantes avec beaucoup de subtilité. Si Gagnepain a tracé la voie, on a parfois un peu de mal à s’y retrouver dans les détails à cause de son expression écrite qu’il voulait très précise mais qui pèche parfois par excès d’acuité. Cela dit, c’est le travail de ses suiveurs-exégètes d’éclaircir, d’éclairer sous un autre angle et de décliner ce qu’il avait esquissé.

Jean Gagnepain et Hubert Guyard, deux styles pour une même vision épistémologique.

Chercheur ingénieux et anthropologue raffiné, Hubert Guyard est décédé à 60 ans en 2009. J’ai suivi ses cours d’aphasiologie en 1985 ou 1986 et il faisait partie du jury pour mon DEA en 1998 avec Suzanne Allaire, Jean-Yves Urien et Marie-Claude Le Bot. Hubert Guyard est parti avant d’avoir tout dit. Je reste particulièrement admiratif de ses formules aussi limpides que percutantes. La rédaction de Tétralogiques a tenu à publier un article « programmatique » sur les troubles de la Personne. Il n’est peut-être pas totalement abouti mais nom de Zeus ! il ouvre un tas de perspectives à la suite de Gagnepain. 

http://tetralogiques.fr/spip.php?article76

Je vous rappelle que la théorie de la médiation, si elle n’a pas pour objectif de soigner, s’en remet à la clinique, c’est à dire à l’étude des dysfonctionnements des Rationalités observé en clinique ou à l’hôpital, pour valider ses concepts. Certains termes du tableau font justement référence à des comportements limites (obscénité, promiscuité, persécution, cruauté, violence) parce qu’une Personne équilibrée s’en écarte par réajustement continuel: un patient est déséquilibré quand, en effet, il penche trop vers une tendance. Guyard insiste justement sur cet aspect contradictoire de la Personne qui permet l’équilibre, certes toujours relatif, mais constamment retrouvable. L’article publié était destiné à dresser des portraits-robots pathologiques pour les troubles du plan 3. 

Dans les chapitres précédents, je me suis largement inspiré de cet article. Voici donc les deux tableaux qu’Hubert Guyard avait glissés dans son texte. Ils résument à leur manière le modèle de la Personne.

Par mesure implicite et échelle, il faut comprendre analyse structurale, c’est à dire capacité non-consciente de poser de la frontière entre des éléments qui s’entre-définissent. C’est sans doute le plus difficile à faire dans la théorie de la médiation, et avec la dialectique et le structuralisme en général : concevoir l’interaction permanente et ne pas réifier les capacités formelles. C’est pourtant tentant (ô eh hein! suspends ton vol!) de le faire avec certains termes : ainsi beaucoup de structuralistes mal aboutis ont réduit la structure à l’organisation et la dialectique à la dichotomie. Par mesure et échelle, je pense que Guyard entend la gestion, la régulation : règle  et échelle sont donc ici synonymes.

A gauche du tableau, se rangent nos appartenances. A droite, nos compétences. 

Là encore, ce sont des capacités abstraites, non des résultats tangibles. Guyard insiste sur le terme d’implicite pour bien signifier que tout cela s’opère à notre insu. Dans les deux cas, appartenances ou compétences, la Personne trace des limites comme les barreaux d’une échelle marquent des degrés et tout franchissement d’un de ces degrés amène une mesure différente. Ontologie et déontologie permettent de situer notre être d’un côté et notre devoir de l’autre.

Cette géométrie variable est rendue possible par l’analyse structurale qui n’est jamais figée mais toujours relative. La structure est à saisir comme un réseau en tension permanente, un potentiel psychique qui se réalise et s’observe dans une situation donnée, au gré de ce qui se présente : les occurrences, d’où l’expression en l’occurrence. C’est de cette manière qu’il convient d’articuler les deux tableaux que nous avons justement décidé de rapprocher. Dans son article, Guyard traite successivement l’instance structurale de l’institution dans son intégralité et ensuite la performance. Nous allons ici rapprocher l’instant analytique de son réinvestissement. Dit comme ça, c’est un peu abstrait. Mais suivez la découpe dans le prochain chapitre !

Tout le reste est littérature ! A la revoyure !

Ramon Casas

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