S1 – La linguistique est morte, vive la glossologie

Etudier le Signe, ce n’est pas étudier les langues. Ça, ce sont les polyglottes qui s’en chargent. Etudier le Signe, ce n’est pas non plus étudier la langue. Ça, ce sont les linguistes qui croyaient avoir mis la main dessus. Etudier le Signe, c’est aussi renoncer à trouver le langage dont parle tout un chacun. Bref… faire de la glossologie, c’est étudier du neuf.

le plan du Signe S1

Il y avait du Pangloss chez Gagnepain. Celui-ci était philologue et linguiste de formation et le précepteur de Candide « parlait toutes les langues ». Gagnepain maitrisait un certain nombre de langues vivantes mais aussi le grec ancien et le latin, sans doute un peu d’hébreu et probablement quelques rudiments d’autres langues un peu oubliées. Mais il a opéré une révolution au sein de la linguistique et pour bien faire comprendre qu’il n’en faisait plus, il a créé le terme de glossologie. Pangloss croyait quant à lui que tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes. Gagnepain pensait qu’il avait un sérieux coup de pouce à donner pour le changer.

Etymologiquement, glossologie est la version grecque de la linguistique : étude du Dire et non de la langue des linguistes ou du langage de Monsieur Toutlemonde. Et ce n’est pas qu’une coquetterie de langage : la glossologie n’a pas le même objet d’étude que la linguistique qui n’avait d’ailleurs jamais clairement posé le sien. Quand au langage, il est aussi scientifique que le ciel ou la poussière. Je continuerai toutefois à employer le terme par commodité.

Je ne vais pas m’attarder sur cet aspect épistémologique de la naissance de la glossologie. Néanmoins s’il existe une demande, je pourrai y revenir car la question ne manque pas d’intérêt mais nécessite un détour inopportun.

Alors qu’il séjourne en Ouganda, ce chimpanzé prévient sa bande que c’est l’heure! L’heure de quoi? me direz-vous! Eh bien, je dois avouer que je ne parle pas ougandais.

On croirait naïvement et intuitivement que le langage est la capacité de lier du sens à du son. Or ce n’est pas tout à fait ça et même pas du tout. Lorsque j’ai parlé du symbole chez l’animal, j’ai évoqué cette association son-sens, ainsi que le cas de cette brave Koko, une gorille coopérative à qui une acharnée croyait avoir appris le langage des signes. 

Pourquoi le langage des signes ? Tout simplement parce que Koko n’était pas équipée pour prononcer l’anglais de son éducatrice, ni même aucune autre langue d’ailleurs. On s’est donc rabattu sur la technique des sourds-muets. Notez au passage le profond mépris pour ces derniers.

L’oralité est tout de même la plus pratique des formules possibles car l’homme est carrément habile dans la production de sons par la bouche. Question de cordes vocales et de dextérité de la langue et des lèvres. Sans compter qu’on peut s’entendre dans le noir ou de loin, sans se voir ou en faisant autre chose avec ses mains. Allez parler le langage des signes en conduisant ou au téléphone… Et essayez donc de discuter avec des odeurs…

Seulement la production de sons par la bouche, c’est de la phonation. Pas du langage. Ça pourra même être du chant. Mais on est loin du Signe. 

L’étude du son, buccal ou non, c’est l’acoustique. Pour elle, le son est une affaire de production et de propagation d’ondes. Et on est loin du Signe.

Les orthophonistes sont de braves gens et font souvent un bon travail avec les mômes en difficulté. Mais la diction, quand ils ne cherchent pas à soigner tous les dys qu’ils rencontrent, est une histoire de muscles. A noter au passage que tous les organes qui servent à la phonation ont en fait d’autres fonctions : l’épiglotte et les cordes dites vocales ont un rôle dans la déglutition et la respiration. Et que dire des poumons, de la langue ou des dents. Et on est loin du Signe.

Et je n’assassinerai pas les phonéticiens qui bricolent de la synthèse vocale sans même savoir la différence entre une syllabe et un pet.

Parmi tous les sons produits par la bouche, chaque langue en retient un certain nombre. Un chercheur néo-zélandais qui n’avait sans doute que ça à faire, a calculé que la diversité phonémique s’avère maximale en Afrique (141 pour le uxi), un peu moins grande en Asie et Europe (41 en allemand, 37 en français), plus faible en Amérique du Nord, encore plus faible en Amérique du Sud et minimale en Océanie (13 pour le hawaïen). Que peut-on en conclure ? Rien ! Sinon qu’on est très loin du Signe. Parce que ce n’est pas le nombre de phonèmes qui compte pour le glossologue mais ce que c’est qu’un phonème.

En outre, vous n’êtes sans doute pas au courant mais vous êtes spontanément glossologues. Vous pratiquez l’analyse par le Signe sans le savoir, brave monsieur Jourdain que vous êtes. Quant à moi, je suis un glossologue volontaire : j’étudie le Signe que vous pratiquez tous les jours, je me pose en homo sapiens sapiens en somme.

Tout le reste est littérature. A la revoyure !

Pour ceux que les études d’ethno-phonétique amusent…

https://www.pourlascience.fr/sd/linguistique/la-diversite-mondiale-des-phonemes-10940.php

https://www.hominides.com/html/actualites/langage-origine-africaine-0432.php

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