P71 – Castor, Pollux et Narcisse

A peine terminé un long chapitre sur Les Météores et Les Bienveillantes, je retombe sur un article, d’ailleurs mentionné en P70, qui a relancé mon questionnement sur les relations entre l’égocentrisme, la gémellité et l’homophilie. Les homophiles, et les homosexuels en particuliers, sont-ils plus sujets à l’égocentrisme? Si oui, la gémellité renforce-t-elle cette tendance? L’érémitisme est-il l’aboutissement de l’autolyse ethnique générative? Les questions abondent et si nous n’y répondrons pas totalement ici, ce chapitre aura sans doute le mérite de les rassembler, ce qui ne manquera pas d’incommoder certains d’entre nous. Moi, le premier.

Les troubles de la Personne : l’homophilie P71

– Je souris de me voir si bel en ce miroir…

Pour se constituer, la Personne doit accéder à ce que nous appellerons ici l’égocentrisme, c’est à dire à la capacité de se refermer sur un entre-soi constitutif pour, dans un deuxième mouvement dialectique, s’ouvrir à l’Autre et à l’alliance. Égocentrisme ou narcissisme n’ont à ce stade rien de pathologique mais constituent bien au contraire les conditions sine qua non de l’être en société.

La #position concentre en elle des #statuts et engendre ainsi des contrastes avec ce qui n’en fait pas partie. Sans un ego résistant mais à géométrie variable, le partenariat est impossible car il faut savoir se dissocier de l’ensemble de l’humanité pour pouvoir s’associer à une parcelle d’entre elle, il faut disloquer la marée humaine pour y élire ce avec quoi et ceux avec qui on fera corps.

La #notabilité est cette capacité à discriminer au sein de la multiplicité de la foule, c’est à dire à tracer du contraste social entre l’étranger et le pair, l’autre et le même, définir du centre et du périphérique, du notable et de l’anonyme, et en définitive du fréquentable et de l’indésirable. Mais cette faculté structurale et virtuelle s’exerce toujours dans une conjoncture historique donnée. Selon les sociétés où les institutions sont toujours à l’oeuvre, le choix du partenaire s’exercera à l’intérieur ou en dehors de cercles structuralement définis, en fonction du type de partenariat adopté et des prescriptions sociales.

Ainsi on n’épouse pas sa soeur ou son frère mais l’ami(e) d’enfance fait partie des possibles. On ne va pas non plus systématiquement chercher l’acolyte hors de sa classe sociale dans un pays lointain mais on peut s’associer durablement entre gens du même rang ou au contraire, s’acoquiner furtivement avec des parias. Les règles de l’alliance sont multiples et variées, plus ou moins souples et opportunistes. La #position s’ajuste aux aléas des circonstances. Sauf pour l’homophile qui fait preuve d’une rigidité parfois pathologique dans le contrôle de la promiscuité et cela, à de multiples niveaux.

MESSAGE PERSONNEL : bon, ben, voilà, les filles… (ici)

L’homophile choisit systématiquement ses partenaires dans le cercle des complices, celui ou celle avec qui il est de connivence puisque la barrière de l’étrangeté n’a pas à être levée. Dans la phase politique, la découverte est moindre puisque le corps de l’Autre n’est finalement qu’un autre corps comme le sien dans le cas d’une relation sexuelle. Dans le cadre d’une relation plus « culturelle », le processus est le même: on a le code du pair et la maitrise de l’imprévu. Dans un cercle souvent plus large que celui du couple, l’homophile va adopter celui qui lui ressemble, le critère, voire les critères restant à sa discrétion. Si c’est une affaire de volonté de céder à cette aspiration à aller vers le semblable ou de la contrôler, l’endogamie n’est quant à elle pas négociable à souhait: l’homophilie n’est pas un choix, c’est une inclination qui peut devenir incoercible. 

Dans « Le Lien social et la Personne », Jean-Michel Le Bot (p117-127) expose quatre cas de perversion remarquablement détaillés (ce qui nous manque souvent ici) où il arrive à débroussailler l’intrication entre les plans 3 et 4, c’est à dire entre l’homophilie telle que nous essayons de la définir et les pratiques homosexuelles. Mais il faut bien reconnaitre que la psychanalyse n’aide pas à s’y retrouver même si elle fournit une documentation passionnante. A sa décharge, on observera que la déconstruction à laquelle nous essayons constamment de nous livrer constitue bien le tour de force de la théorie de la médiation.

Hypertrophie du moi

Afin de distinguer l’homophilie d’un désir libidinal particulier, il me semble intéressant de la rapprocher d’un narcissisme exacerbé et invasif jusqu’à en devenir essentiellement exclusif, l’inclusion ne se limitant plus qu’à l’individu concerné, le centre du monde. Qu’on dénomme cela misanthropie (hors de toute phobie sociale) ou égocentrisme chronique, le phénomène me semble être une sorte de réification des cercles concentriques entre lesquels le sujet sain navigue habituellement sans blocage.

Pour certains homophiles, le tentation narcissique serait irrépressible alors que cet élan centripète qui nous constitue en notable (celui dont l’importance ne peut pas être négligée) et nous permet d’exister socialement rencontre de multiples occasions de se diffuser dans des cercles de partenaires. A la concentration narcissique vient dialectiquement répondre la dilution altruiste. Ce dernier terme doit ici être débarrassé de toute notion de service. Altériste serait plus convenable. Comme le faisait Gagnepain, j’ai toujours essayé de conserver l’ »Autre » sur cette face de la Personne pour réserver « autrui » à l’#Institué. 

« Il appartenait à la race de ces êtres moins contradictoires qu’ils n’en ont l’air, dont l’idéal est viril, justement parce que leur tempérament est féminin, et qui sont dans la vie pareils, en apparence seulement, aux autres hommes (…) Race sur qui pèse une malédiction et qui doit vivre dans le mensonge et le parjure, puisqu’elle sait tenu pour punissable et honteux, pour inavouable, son désir, ce qui fait pour toute créature la plus grande douceur de vivre (…) fils sans mère, à laquelle ils sont obligés de mentir même à l’heure de lui fermer les yeux ; amis sans amitiés, malgré toutes celles que leur charme fréquemment reconnu inspire et que leur cœur souvent bon ressentirait ; mais peut-on appeler amitiés ces relations qui ne végètent qu’à la faveur d’un mensonge. » Marcel Proust à propos du Baron de Charlus, Palamède de Guermantes

L’homophile est incapable de faire fi de la discrimination ethnique qui s’opère dans l’Instituant alors même que le contexte historique lui serait défavorable. Par exemple, Max dans Les Bienveillantes reste profondément homophile (épris de sa soeur et dragueur homosexuel discret) malgré les offres féminines particulièrement explicites dont il fait l’objet et le danger qu’il court dans les rangs de la SS avec un Himmler homophobe au dernier cran. Mais tout comme l’oncle Alexandre, son ami Thomas, le baron de Charlus ou Marcel Proust, Max pousse malgré lui l’intraversion (selon l’expression proposée par Hubert Guyard, à ne pas confondre avec l’introversion qui relève de la névrose) jusqu’à son point paroxystique : le nombrilisme dont la misanthropie est le symptôme en négatif. Isolé du reste du monde, Max ne peut que rêver son union avec sa soeur qui s’est définitivement refusée à lui. La #position se réifie dans son plus simple appareil, l’individu, et Narcisse ne peut plus voir que lui-même. Cela explique peut-être le meurtre de Thomas, le seul ami qui finalement le rattachait au monde nazi avec lequel il avait jusque-là fait corps. Son mariage ensuite n’est qu’une couverture pour échapper à la justice des Alliés.

Quant à l’ami d’Alexandre dans Les Météores, le père Thomas, après avoir dans son adolescence traversé des épisodes masturbatoires avec un crucifix grandeur nature, s’est tout d’abord fondu dans un couple christique. « J’avais fait de moi le Didyme, le Jumeau Absolu qui ne trouvait sa propre image — glorifiante et apaisante à la fois — que dans la personne du Christ. » Il a ensuite dépassé cette relation quasi charnelle pour atteindre un stade ultime. « Ma didymie est devenue universelle. Le jumeau déparié est mort, et un frère des hommes est né à sa place. Mais le passage par la fraternité du Christ a lesté mon coeur d’une fidélité et mon regard d’une compréhension dont ils seraient, je crois, dépourvus sans cette épreuve. »

Thomas semble incapable de contrôler l’intimité: après une relation fusionnelle avec le Christ, il accède à une autre relation sans limite avec l’humanité grâce à l’Esprit saint. Par conséquent, le sien l’est-il? (oups, désolé!) Car si on invalide l’hypothèse transcendantale, c’est à dire l’existence du divin, le pentecôtisme de Thomas tient du délire paranoïaque, ce qui placerait le trouble sur la face de l’Institué. Peut-être n’en est-ce que la conséquence et qu’un égocentrisme théologique (oxymore) en serait à l’origine. Après avoir formé un couple très uni avec le Christ, il délaisse son bien-aimé pour se laisser pénétrer par le feu de la Pentecôte, autrement dit il fait corps avec le divin. On ne peut guère imaginer de basculement plus radical si on croit que le divin est partout. Pour ma part, j’y vois l’expression d’un égocentrisme mystique. Quand le narcissique matérialiste ramène l’univers à lui, l’égo spirituel hypertrophié s’invente une gémellité universelle tout aussi problématique. Sur ce point encore, l’intuition littéraire de Michel Tournier semble faire mouche. 

Manifestation sociale ce rejet de la concession que suppose le couple, le célibat trouve dans certaines religions une valorisation héroïque (avec tout de même ses ratés, comme nous le rappelle l’actualité). Mais qui dit célibat ne signifie pas pour autant chasteté car le célibataire peut assouvir son désir dans des étreintes fugaces dont il s’échappe quand sa libido ne le motive plus. L’univers homosexuel est peuplé de tels comportements et parce qu’elle opère dans un cercle averti, la drague n’occasionne ni fiançailles ni rupture. Entre amis statutairement célibataires, le séparation ne peut que se faire à l’amiable. Le divorce n’intervient qu’au terme d’une union contractuelle, pas d’une étreinte même mutuellement consentie, à moins qu’on considère que le contrat inclut la clause de non-attachement. Cette affaire de célibat homosexuel nécessiterait une documentation bien plus conséquente pour étayer l’affirmation de l’existence d’une force centripète dans l’autolyse homophile. 

On saisira tout l’inconfort d’une telle hypothèse: n’est-ce pas condamner l’homosexuel à la solitude, le militant extrémiste au groupuscule et le couple fusionnel de « presque-pareils » aux vacances dans la Creuse? Blague à part, nous soutenons ici que l’homophilie se manifeste bien au-delà de la sexualité et qu’il est urgent d’investiguer en dehors des sentiers balisés par la psychanalyse. Délivré d’une grille de lecture réductrice, on pourrait alors poser des questions du type: le célibat de l’ermite mystique n’est-il pas un narcissisme paroxystique, masqué par un renoncement au plaisir qui peut provoquer l’admiration? Dans l’extase, l’anachorète ne projète-t-il pas sa propre image sur un divin fantasmé qui n’est, en fin de compte, que le reflet de lui-même? La religieuse épouse de Dieu n’est-elle pas l’expression par laquelle la soeur renonce à se mettre en couple avec qui que ce soit d’autre que la divinité tout en entrant dans un ordre où le couple humain est prohibé et où la sororité s’étend à toute la congrégation? Par la chasteté, la religieuse ne se fuit-elle pas la promiscuité que lui imposeraient le coït d’abord et la grossesse ensuite? Qu’en est-il des lesbiennes « virilistes » sur cette question?

Bienvenue au club

L’homophile ne cherche pas tant à se mettre en couple avec un individu de même sexe qu’à clore la #position, à refermer la cellule sur sa propre personne ou l’être qui se rapproche le plus de sa notabilité. L’unité homophile ne se limite pas à la paire et peut donner lieu à la formation d’un club comme celui des Fleurets dans Les Météores. La sociabilité débordante qu’on attribue à certains homosexuels pourrait être une tendance au rassemblement des pairs mais dans une société restreinte. La question d’un hypothétique prosélytisme gay peut être posée dans cette optique comme une invitation permanente avec une apologie de l’hospitalité comme le suggère Guyard. 

Or discrimination et hospitalité paraissent contradictoires: on ne peut en effet sélectionner les invités et leur dire de venir comme ils sont, trier sur le volet et accueillir le tout-venant. Reste donc à savoir à qui s’adresse l’invitation, si elle ne se fait pas uniquement à l’intérieur de la position qui tend à se figer. C’est ce que semblerait signifier Lucien Israël, cité par Guyard, quand il note que « lorsqu’un homme adresse ses hommages à un autre homosexuel homme, il y va pratiquement à coup sûr. Il ne peut pas savoir s’il sera bien ou mal accueilli, mais ce qu’il sait, c’est qu’il s’adressera à un autre homosexuel. Ça ne veut pas dire que cet éventuel amant ne va pas un jour le tromper mais il a de fortes chances de rester dans la même espèce, dans le même genre. »

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Le choix du partenaire se fait donc au sein de la communauté  déjà constituée et n’en sort pas. C’est ainsi qu’il faut entendre la proposition de Guyard: « l’univers homosexuel est ségrégatif ». La formule peut donner l’impression d’inverser l’ordre des choses, la discrimination ciblant d’habitude les homosexuels mais ce serait mettre un caractère normatif à tous ces termes, une option morale qui n’entre pas dans la démarche de Guyard et que la théorie de la médiation évite soigneusement de faire. Ségrégation et discrimination opèrent quelle que soit la valeur des critères de division. La théorie n’a pas à en juger.

La partition homophile n’est pas un choix social délibéré mais le syndrome d’une appartenance surdéterminée, et par le fait, indépassable. Incapable d’accéder à l’accueil du tout-venant qui ne manque pas d’advenir dans la constitution d’un cercle, l’homophile n’y fait entrer que ce qui est à l’image de lui-même, selon les critères qu’il se sera défini. Bien évidemment les degrés d’admission sont divers et le lien se fera d’autant plus étroit que l’autolyse sera forte. L’exclusivité du cercle sera fonction du degré d’identité que ses membres y exigeront. 

Prendre un franc-mac par la main…

Pourquoi se donner du « frère » et de la « soeur » chez les Black Panthers, les Compagnons de la table ronde ou les Francs-Maçons où on coopte sinon pour signifier, comme le font les insignes ou l’uniforme, une appartenance sans doute moins exclusive mais néanmoins très étroite à une unité fédérante? 

Poussée à l’extrême, cette tendance à la clôture conduit logiquement au célibat. Une exclusivité excessive écarte au final toute association et l’isolement attend la plupart de ceux qui recherchent un alter ego trop total. Or le modèle de la Personne nous entraine à postuler que l’#autolyse renforcera inéluctablement les exigences de l’homophile au cours de son histoire. Comment le phénomène est-il vérifiable? Existent-il des facteurs qui freineraient cette égo-centralisation?

Elles auraient pu ne pas porter le même genre de casquette ni le même type de chemise ouverte sur le T-shirt… mais non.

Il arrive fort vraisemblablement que l’homophile fasse la rencontre d’un « autre-pareil » qui accèdera à son inclinaison identitaire. De là, l’hypothèse que nous faisons des couples homosexuels (ou pas d’ailleurs) fusionnels et « tout-pareils » qui s’apparentent aux paires gémellaires qui entretiennent leur double singularité.

Doublement jumeaux

Dans le cas de la paire gémellaire, l’affaire se singularise encore car si la jumelle ou le jumeau verse dans l’égocentrisme, il a sous les yeux sa propre image qui, pour peu qu’elle soit réceptive, va lui renvoyer ce qu’il ou elle attend. Dans Les Météores, Jean finit par fuir cette exclusivité pour avoir avec une femme une relation que son frère va saboter. Paul, quant à lui, place la gémellité au-dessus de tout autre relation, au nom justement de la clôture cosmique qu’elle permet. 

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Le duo des frères Martinez Garrido offre tous les ingrédients d’un narcissisme exacerbé. Ils cultivent leur ressemblance à travers leur apparence par tous les moyens à leur disposition: barbe, coupe de cheveux, musculation, tatouage, vêtements. Leur affichage va jusqu’à un exhibitionnisme très esthétisé. La motivation financière est évidente mais l’idée prend bel et bien racine dans une envie commune de mettre en scène leur complicité visiblement très active. Qu’ils soient tous les deux homosexuels est un indice supplémentaire. Certes ils ne franchissent pas la barrière de l’inceste même s’ils jouent avec le tabou pour faire le buzz mais ils ne s’aventurent pas non plus au-delà d’un cercle gay.

A noter que les relations extérieures qu’ils entretiennent ne semblent pas durer. « De plus, comme nous le disons dans l’une de nos vidéos sur le polyamour, nous croyons que dans un cœur, il y a de la place pour de nombreux amours et de nombreux types d’amours différents. » On peut comprendre qu’une telle connivence fraternelle soit difficile à supporter pour un partenaire externe, à moins que la fugacité des rencontres ne soit inscrite dans leur propre condition. De ce fait, les jumeaux espagnols sont peut-être voués à un érémitisme à deux parce qu’ils trouvent dans leur relation une complicité tellement grande que leurs aventures « polyamoureuses » (un autre mot pour signifier « à durée limitée ») ne viennent que satisfaire leur désir qui ne franchit pas la barrière de l’inceste.

Récemment installés près de chez moi, ce logo a attiré mon attention d’autant que je connais un peu les garçons en question, et aussi les fromages mais c’est une autre histoire.

On ne peut faire théorie d’un cas mais il m’a paru suffisamment parlant pour être évoqué ici. Une enquête plus générale reste à effectuer comme il serait, je pense, fructueux d’explorer les arcanes du narcissisme dans les milieux lesbiens et gays pour ne pas en rester aux conclusions trop rapides et tentantes de la théorie spéculaire de la psychanalyse freudienne des débuts, une idée qui perdure pourtant et qu’on retrouve également sous la plume de Mishima (Les Japonais sont tous pervers): « Souvent dans le cas de l’homosexualité la question de la représentation de soi-même est une condition indispensable à la mise en œuvre de l’excitation sexuelle. En ce sens l’homosexualité est liée au narcissisme. Le fait que cette sorte de représentation de soi-même devienne un élément essentiel à l’échange de représentations avec le partenaire distingue le désir homosexuel de l’hétérosexualité. Dans un contexte hétérosexuel, parce que l’identité de chacun comme homme ou femme est un fait qui a sa propre évidence, la représentation de soi-même de chacune des personnes impliquées peut seulement avoir une signification secondaire. » 

Le rapprochement que le modèle médiationniste nous pousse à faire entre érémitisme et narcissisme peut sembler contre-intuitif car dans le monde de l’image et des écrans qui est le nôtre nous associons souvent narcissisme et besoin de se montrer (forme très atténuée de l’exhibitionnisme). Or cette appétence à démultiplier son être en s’affichant notamment sur les réseaux sociaux ou sur ses propres murs, de cultiver son image et diffuser ses représentations pour s’affirmer ontologiquement, peut paraitre antinomique avec la réclusion de l’ermite. Il convient sans doute de réviser l’imagerie religieuse pour actualiser la misanthropie homophile à comprendre comme un rejet du cosmopolitisme, du brassage social et du forum, au profit du repli identitaire, du filtrage communautaire et du salon.

L’extrême visibilité de l’excentrique peut-elle être rapprocher de l’exclusivité de l’homophile? L’original n’est-il pas un égocentrique qui cherche à capter l’attention, échappant ainsi par les regards portés sur lui à l’insupportable anonymat de la promiscuité? Le raffinement des dandys comme Oscar Wilde doit-il être rapproché de cet inéluctable émancipation du commun des ennuyeux mortels? L’homophile n’est-il pas voué à être minoritaire, jusqu’à l’isolement qui se présente alors comme une réclusion à ciel ouvert sans autre horizon que soi-même? L’homophile soigne-t-il plus sa mise que quiconque? Se regarde-t-il plus dans le miroir que les autres? Multiplie-t-il les selfies? Bref donne-t-il de manière significative plus de signes d’auto-contemplation que n’importe qui d’autre?

La réputation d’hypersociabilité des gays peut-elle être mise en relation avec l’hyper-hospitalité des prêtres? La délicatesse des premiers ne correspond-elle pas à la suavité des ecclésiastiques? Les deux n’ont-il pas vocation à accueillir sans se lier? 

Il est fort possible que tous ces rapprochements soient des extrapolations sans suite mais je les dépose là et s’en saisira qui de droit.

Tout le reste est littérature et il y en a. A la revoyure !

Le petit plus: on lira avec intérêt cet article non-spécialiste sur le couple lesbien qui confirme quelques-unes de nos propositions. Le caractère secondaire de la sexualité, le caractère fusionnel et exclusif…

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