le plan du signe S5
Regardons nager un poisson. La nage et le poisson ne font qu’un, le mouvement et le poisson qui bouge sont indissociables au niveau de l’observation. Vous saisissez le poisson, il ne nage plus. Et il est impossible de penser nage ou natation sans visionner un corps en mouvement. Et pourtant le poisson nage, le substantif et le verbe sont distincts. Tout comme la pluie et sa chute qui ne s’observent pas indépendamment : d’ailleurs l’idée de chute est comprise dans la pluie. Et quand on dit il pleut (traduit par le seul piove en italien), le pronom il est impersonnel, soudé au verbe et pur partiel grammatical sans existence tangible. Pas la peine d’enfiler un ciré pour aller le chercher.
Deuxième exemple : Les poissons rouges envahissent le bocal. Le sujet dont on parle semble précéder logiquement ce qu’il fait. Il y a la chose d’abord et l’action ensuite. Le Grec Aristote avait déjà posé ce rapport sujet-prédicat. A l’école, vous avez sûrement été les victimes du GN-GV, le noyau d’une phrase délimitée par des points qu’on cherche encore à l’oral. Et pourtant le bocal est envahi par les poissons rouges décrit la même réalité avec une construction grammaticale totalement renversée. L’ordre des choses aristotélicien ne semble pas avoir cours en grammaire.
Tous et chacun désignent le même groupe d’individus et pourtant on ne dit pas tous pour soi (ou pour eux) et encore moins chacun pour un. Et quand vous dites un pour tous, tous pour un, où est le verbe? L’adjectif en français s’accorde et se place plutôt après le substantif (les poissons rouges et carnivores) sauf pour des adjectifs courts (de grands hommes petits) alors que l’anglais les accumule devant le substantif sans accord (average little big man). Notez au passage que le substantif, autre nom du nom, est de la même famille que substance: il n’y a pas de hasard. En philosophie traditionnelle, il y a la substance (le sujet) et ses avatars (le verbe), et ceux-ci se retrouvent dans la grammaire des écoles.
Le genre de la bouchère et du boucher ne fait aucun doute. Ça se complique avec le mannequin ou la sentinelle. Et l’estafette laisse la place au top model et à la star. Pour un francophone, le soleil, dominateur et puissant, est évidemment masculin et la lune, plus petite et discrète, forcément féminin. Or l’allemand le pense féminin (die Sonne) et la conçoit masculine (der Mond). En arabe, šams – شمس = soleil est féminin comme nâr – نار = feu, samâ’ – سماء = ciel ainsi que les noms de pays. La guêpière n’est pas la femelle du guêpier. Navire fut féminin en français avant de virer de bord et les anglais utilisent le pronom she pour leur ship alors qu’ils devraient en toute logique utiliser le neutre it qui n’existe pas en français. Bref, le genre ne répond qu’à des règles grammaticales déconnectées du réel perçu.
Inutile d’aller chercher des universaux dans la nature. La #GrammaireLa partie analytique et structurale du signe. Elle se compose d'une face phonologie et d'une autre sémiologique. La Grammaire ne s'observe pas mais s'éprouve dans la performance. More introduit ses propres règles formelles qui ne s’inspirent pas de l’expérience. Même si je connais des forcenés qui continuent à soutenir que la chaise est le masculin du fauteuil parce qu’il est plus gros et qu’il a des bras.
Pour la théorie de la médiation, le Signe est fondamentalement impropre à l’expérience. Il a ses propres règles et il faudra nous débrouiller avec pour dire le monde sans aucun espoir de trouver dans celui-ci un quelconque secours. Cet univers de non-sens laisse l’homme aussi exposé qu’un existentialiste roux à la plage mais aussi libre qu’Alice au pays des Merveilles. Quiconque a entendu une pierre faire plouf en tombant dans l’eau peut aussi bien deviner qu’elle est anglaise si elle fait splash.
Tout le reste est littérature. A la revoyure !